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Par
Plumes1 le
18 Août 2007 à 18:27
A l'orée d'une grande forêt vivaient un pauvre bûcheron, sa femme et
ses deux enfants. Le garçon s'appelait Hansel et la fille Grethel. La
famille ne mangeait guère. Une année que la famine régnait dans le pays
et que le pain lui-même vint à manquer, le bûcheron ruminait des idées
noires, une nuit, dans son lit et remâchait ses soucis. Il dit à sa
femme - Qu'allons-nous devenir ? Comment nourrir nos pauvres enfants,
quand nous n'avons plus rien pour nous-mêmes ? - Eh bien, mon homme,
dit la femme, sais-tu ce que nous allons faire ? Dès l'aube, nous
conduirons les enfants au plus profond de la forêt nous leur allumerons
un feu et leur donnerons à chacun un petit morceau de pain. Puis nous
irons à notre travail et les laisserons seuls. Ils ne retrouveront plus
leur chemin et nous en serons débarrassés. - Non, femme, dit le
bûcheron. je ne ferai pas cela ! Comment pourrais-je me résoudre à
laisser nos enfants tout seuls dans la forêt ! Les bêtes sauvages ne
tarderaient pas à les dévorer. - Oh ! fou, rétorqua-t-elle, tu préfères
donc que nous mourions de faim tous les quatre ? Alors, il ne te reste
qu'à raboter les planches de nos cercueils. Elle n'eut de cesse qu'il
n'acceptât ce qu'elle proposait. - Mais j'ai quand même pitié de ces
pauvres enfants, dit le bûcheron. Les deux petits n'avaient pas pu
s'endormir tant ils avaient faim. Ils avaient entendu ce que la marâtre
disait à leur père. Grethel pleura des larmes amères et dit à son frère
: - C'en est fait de nous - Du calme, Grethel, dit Hansel. Ne t'en fais
pas ; Je trouverai un moyen de nous en tirer. Quand les parents furent
endormis, il se leva, enfila ses habits, ouvrit la chatière et se
glissa dehors. La lune brillait dans le ciel et les graviers blancs,
devant la maison, étincelaient comme des diamants. Hansel se pencha et
en mit dans ses poches autant qu'il put. Puis il rentra dans la maison
et dit à Grethel : - Aie confiance, chère petite sur, et dors
tranquille. Dieu ne nous abandonnera pas. Et lui-même se recoucha.
Quand vint le jour, avant même que le soleil ne se levât, la femme
réveilla les deux enfants : - Debout, paresseux ! Nous allons aller
dans la forêt pour y chercher du bois. Elle leur donna un morceau de
pain à chacun et dit : - Voici pour le repas de midi ; ne mangez pas
tout avant, car vous n'aurez rien d'autre. Comme les poches de Hansel
étaient pleines de cailloux, Grethel mit le pain dans son tablier.
Puis, ils se mirent tous en route pour la forêt. Au bout de quelque
temps, Hansel s'arrêta et regarda en direction de la maison. Et sans
cesse, il répétait ce geste. Le père dit : - Que regardes-tu, Hansel,
et pourquoi restes-tu toujours en arrière ? Fais attention à toi et
n'oublie pas de marcher ! - Ah ! père dit Hansel, Je regarde mon petit
chat blanc qui est perché là-haut sur le toit et je lui dis au revoir.
La femme dit : - Fou que tu es ! ce n'est pas le chaton, c'est un
reflet de soleil sur la cheminée. Hansel, en réalité, n'avait pas vu le
chat. Mais, à chaque arrêt, il prenait un caillou blanc dans sa poche
et le jetait sur le chemin. Quand ils furent arrivés au milieu de la
forêt, le père dit : - Maintenant, les enfants, ramassez du bois ! je
vais allumer un feu pour que vous n'ayez pas froid. Hansel et Grethel
amassèrent des brindilles au sommet d'une petite colline. Quand on y
eut mit le feu et qu'il eut bien pris, la femme dit : - Couchez-vous
auprès de lui, les enfants, et reposez-vous. Nous allons abattre du
bois. Quand nous aurons fini, nous reviendrons vous chercher. Hansel et
Grethel s'assirent auprès du feu et quand vint l'heure du déjeuner, ils
mangèrent leur morceau de pain. Ils entendaient retentir des coups de
hache et pensaient que leur père était tout proche. Mais ce n'était pas
la hache. C'était une branche que le bûcheron avait attachée à un arbre
mort et que le vent faisait battre de-ci, de-là. Comme ils étaient
assis là depuis des heures, les yeux finirent par leur tomber de
fatigue et ils s'endormirent. Quand ils se réveillèrent, il faisait
nuit noire. Grethel se mit à pleurer et dit : - Comment ferons-nous
pour sortir de la forêt ? Hansel la consola - Attends encore un peu,
dit-il, jusqu'à ce que la lune soit levée. Alors, nous retrouverons
notre chemin. Quand la pleine lune brilla dans le ciel, il prit sa sur
par la main et suivit les petits cailloux blancs. Ils étincelaient
comme des écus frais battus et indiquaient le chemin. Les enfants
marchèrent toute la nuit et, quand le jour se leva, ils atteignirent la
maison paternelle. Ils frappèrent à la porte. Lorsque la femme eut
ouvert et quand elle vit que c'étaient Hansel et Grethel, elle dit : -
Méchants enfants ! pourquoi avez-vous dormi si longtemps dans la forêt
? Nous pensions que vous ne reviendriez jamais. Leur père, lui, se
réjouit, car il avait le cur lourd de les avoir laissés seuls dans la
forêt. Peu de temps après, la misère régna de plus belle et les enfants
entendirent ce que la marâtre disait, pendant la nuit, à son mari : -
Il ne nous reste plus rien à manger, une demi-miche seulement, et
après, finie la chanson ! Il faut nous débarrasser des enfants ; nous
les conduirons encore plus profond dans la forêt pour qu'ils ne
puissent plus retrouver leur chemin ; il n'y a rien d'autre à faire. Le
père avait bien du chagrin. Il songeait - " Il vaudrait mieux partager
la dernière bouchée avec les enfants. " Mais la femme ne voulut n'en
entendre. Elle le gourmanda et lui fit mille reproches. Qui a dit " A "
doit dire " B. "Comme il avait accepté une première fois, il dut
consentir derechef. Les enfants n'étaient pas encore endormis. Ils
avaient tout entendu. Quand les parents furent plongés dans le sommeil,
Hansel se leva avec l'intention d'aller ramasser des cailloux comme la
fois précédente. Mais la marâtre avait verrouillé la porte et le garçon
ne put sortir. Il consola cependant sa petite sur : - Ne pleure pas,
Grethel, dors tranquille ; le bon Dieu nous aidera. Tôt le matin, la
marâtre fit lever les enfants. Elle leur donna un morceau de pain, plus
petit encore que l'autre fois. Sur la route de la forêt, Hansel
l'émietta dans sa poche ; il s'arrêtait souvent pour en jeter un peu
sur le sol. - Hansel, qu'as-tu à t'arrêter et à regarder autour de toi
? dit le père. Va ton chemin ! - Je regarde ma petite colombe, sur le
toit, pour lui dire au revoir ! répondit Hansel. - Fou ! dit la femme.
Ce n'est pas la colombe, c'est le soleil qui se joue sur la cheminée.
Hansel, cependant, continuait à semer des miettes de pain le long du
chemin. La marâtre conduisit les enfants au fin fond de la forêt, plus
loin qu'ils n'étaient jamais allés. On y refit un grand feu et la femme
dit : - Restez là, les enfants. Quand vous serez fatigués, vous pourrez
dormir un peu nous allons couper du bois et, ce soir, quand nous aurons
fini, nous viendrons vous chercher. À midi, Grethel partagea son pain
avec Hansel qui avait éparpillé le sien le long du chemin. Puis ils
dormirent et la soirée passa sans que personne ne revînt auprès d'eux.
Ils s'éveillèrent au milieu de la nuit, et Hansel consola sa petite
sur, disant : - Attends que la lune se lève, Grethel, nous verrons les
miettes de pain que j'ai jetées ; elles nous montreront le chemin de la
maison. Quand la lune se leva, ils se mirent en route. Mais de miettes,
point. Les mille oiseaux des champs et des bois les avaient mangées.
Les deux enfants marchèrent toute la nuit et le jour suivant, sans
trouver à sortir de la forêt. Ils mouraient de faim, n'ayant à se
mettre sous la dent que quelques baies sauvages. Ils étaient si
fatigués que leurs jambes ne voulaient plus les porter. Ils se
couchèrent au pied d'un arbre et s'endormirent. Trois jours s'étaient
déjà passés depuis qu'ils avaient quitté la maison paternelle. Ils
continuaient à marcher, s'enfonçant toujours plus avant dans la forêt.
Si personne n'allait venir à leur aide, ils ne tarderaient pas à
mourir. À midi, ils virent un joli oiseau sur une branche, blanc comme
neige. Il chantait si bien que les enfants s'arrêtèrent pour l'écouter.
Quand il eut fini, il déploya ses ailes et vola devant eux. Ils le
suivirent jusqu'à une petite maison sur le toit de laquelle le bel
oiseau blanc se percha. Quand ils s'en furent approchés tout près, ils
virent qu'elle était faite de pain et recouverte de gâteaux. Les
fenêtres étaient en sucre. - Nous allons nous mettre au travail, dit
Hansel, et faire un repas béni de Dieu. Je mangerai un morceau du toit
; ça a l'air d'être bon ! Hansel grimpa sur le toit et en arracha un
petit morceau pour goûter. Grethel se mit à lécher les carreaux. On
entendit alors une voix suave qui venait de la chambre - Langue, langue
lèche ! Qui donc ma maison lèche ? Les enfants répondirent - C'est le
vent, c'est le vent. Ce céleste enfant. Et ils continuèrent à manger
sans se laisser détourner de leur tâche. Hansel, qui trouvait le toit
fort bon, en fit tomber un gros morceau par terre et Grethel découpa
une vitre entière, s'assit sur le sol et se mit à manger. La porte,
tout à coup, s'ouvrit et une femme, vieille comme les pierres,
s'appuyant sur une canne, sortit de la maison. Hansel et Grethel eurent
si peur qu'ils laissèrent tomber tout ce qu'ils tenaient dans leurs
mains. La vieille secoua la tête et dit : - Eh ! chers enfants, qui
vous a conduits ici ? Entrez, venez chez moi ! Il ne vous sera fait
aucun mal. Elle les prit tous deux par la main et les fit entrer dans
la maisonnette. Elle leur servit un bon repas, du lait et des beignets
avec du sucre, des pommes et des noix. Elle prépara ensuite deux petits
lits. Hansel et Grethel s'y couchèrent. Ils se croyaient au Paradis.
Mais l'amitié de la vieille n'était qu'apparente. En réalité, c'était
une méchante sorcière à l'affût des enfants. Elle n'avait construit la
maison de pain que pour les attirer. Quand elle en prenait un, elle le
tuait, le faisait cuire et le mangeait. Pour elle, c'était alors jour
de fête. La sorcière avait les yeux rouges et elle ne voyait pas très
clair. Mais elle avait un instinct très sûr, comme les bêtes, et
sentait venir de loin les êtres humains. Quand Hansel et Grethel
s'étaient approchés de sa demeure, elle avait ri méchamment et dit
d'une voix mielleuse : - Ceux-là, je les tiens ! Il ne faudra pas
qu'ils m'échappent ! À l'aube, avant que les enfants ne se soient
éveillés, elle se leva. Quand elle les vit qui reposaient si gentiment,
avec leurs bonnes joues toutes roses, elle murmura : - Quel bon repas
je vais faire ! Elle attrapa Hansel de sa main rêche, le conduisit dans
une petite étable et l'y enferma au verrou. Il eut beau crier, cela ne
lui servit à rien. La sorcière s'approcha ensuite de Grethel, la secoua
pour la réveiller et s'écria : - Debout, paresseuse ! Va chercher de
l'eau et prépare quelque chose de bon à manger pour ton frère. Il est
enfermé à l'étable et il faut qu'il engraisse. Quand il sera à point,
je le mangerai. Grethel se mit à pleurer, mais cela ne lui servit à
rien. Elle fut obligée de faire ce que lui demandait l'ogresse. On
prépara pour le pauvre Hansel les plats les plus délicats. Grethel,
elle, n'eut droit qu'à des carapaces de crabes. Tous les matins, la
vieille se glissait jusqu'à l'écurie et disait : - Hansel, tends tes
doigts, que je voie si tu es déjà assez gras. Mais Hansel tendait un
petit os et la sorcière, qui avait de mauvais yeux, ne s'en rendait pas
compte. Elle croyait que c'était vraiment le doigt de Hansel et
s'étonnait qu'il n'engraissât point. Quand quatre semaines furent
passées, et que l'enfant était toujours aussi maigre, elle perdit
patience et décida de ne pas attendre plus longtemps. - Holà ! Grethel,
cria-t-elle, dépêche-toi d'apporter de l'eau. Que Hansel soit gras ou
maigre, c'est demain que je le tuerai et le mangerai. Ah, comme elle
pleurait, la pauvre petite, en charriant ses seaux d'eau, comme les
larmes coulaient le long de ses joues ! - Dieu bon, aide-nous donc !
s'écria-t-elle. Si seulement les bêtes de la forêt nous avaient dévorés
! Au moins serions-nous morts ensemble ! - Cesse de te lamenter ! dit
la vieille ; ça ne te servira à rien ! De bon matin, Grethel fut
chargée de remplir la grande marmite d'eau et d'allumer le feu. - Nous
allons d'abord faire la pâte, dit la sorcière. J'ai déjà fait chauffer
le four et préparé ce qu'il faut. Elle poussa la pauvre Grethel vers le
four, d'où sortaient de grandes flammes. - Faufile-toi dedans !
ordonna-t-elle, et vois s'il est assez chaud pour la cuisson. Elle
avait l'intention de fermer le four quand la petite y serait pour la
faire rôtir. Elle voulait la manger, elle aussi. Mais Grethel devina
son projet et dit : - Je ne sais comment faire , comment entre-t-on
dans ce four ? - Petite oie, dit la sorcière, l'ouverture est assez
grande, vois, je pourrais y entrer moi-même. Et elle y passa la tête.
Alors Grethel la poussa vivement dans le four, claqua la porte et mit
le verrou. La sorcière se mit à hurler épouvantablement. Mais Grethel
s'en alla et cette épouvantable sorcière n'eut plus qu'à rôtir.
Grethel, elle, courut aussi vite qu'elle le pouvait chez Hansel. Elle
ouvrit la petite étable et dit : - Hansel, nous sommes libres ! La
vieille sorcière est morte ! Hansel bondit hors de sa prison, aussi
rapide qu'un oiseau dont on vient d'ouvrir la cage. Comme ils étaient
heureux ! Comme ils se prirent par le cou, dansèrent et s'embrassèrent
! N'ayant plus rien à craindre, ils pénétrèrent dans la maison de la
sorcière. Dans tous les coins, il y avait des caisses pleines de perles
et de diamants. - C'est encore mieux que mes petits cailloux ! dit
Hansel en remplissant ses poches. Et Grethel ajouta - Moi aussi, je
veux en rapporter à la maison ! Et elle en mit tant qu'elle put dans
son tablier. - Maintenant, il nous faut partir, dit Hansel, si nous
voulons fuir cette forêt ensorcelée. Au bout de quelques heures, ils
arrivèrent sur les bords d'une grande rivière. - Nous ne pourrons pas
la traverser, dit Hansel, je ne vois ni passerelle ni pont. - On n'y
voit aucune barque non plus, dit Grethel. Mais voici un canard blanc.
Si Je lui demande, il nous aidera à traverser. Elle cria : - Petit
canard, petit canard, Nous sommes Hansel et Grethel. Il n'y a ni
barque, ni gué, ni pont, Fais-nous passer avant qu'il ne soit tard. Le
petit canard s'approcha et Hansel se mit à califourchon sur son dos. Il
demanda à sa sur de prendre place à côté de lui. - Non, répondit-elle,
ce serait trop lourd pour le canard. Nous traverserons l'un après
l'autre. La bonne petite bête les mena ainsi à bon port. Quand ils
eurent donc passé l'eau sans dommage, ils s'aperçurent au bout de
quelque temps que la forêt leur devenait de plus en plus familière.
Finalement, ils virent au loin la maison de leur père. Ils se mirent à
courir, se ruèrent dans la chambre de leurs parents et sautèrent au cou
de leur père. L'homme n'avait plus eu une seule minute de bonheur
depuis qu'il avait abandonné ses enfants dans la forêt. Sa femme était
morte. Grethel secoua son tablier et les perles et les diamants
roulèrent à travers la chambre. Hansel en sortit d'autres de ses
poches, par poignées. C'en était fini des soucis. Ils vécurent heureux
tous ensemble.Les contes de Grimm
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