-
Aladin
1. Dans la capitale dun pays de lOrient, il y avait un tailleur nommé Mustafa qui était fort pauvre. Son travail lui fournissait à peine de quoi faire vivre sa famille, composée de lui, de sa femme et de son fils unique.
Le fils, nommé Aladdin, avait bon cur et ne manquait pas dintelligence, mais il aimait un peu trop à jouer avec les enfants de son âge, et il séchappait quelquefois du logis paternel pour faire de longues parties avec les petits camarades. On été à peu près sûr de le trouver sur la grande place peu éloignée de la maison de ses parents. Aussi était-il bien connu de tout le voisinage.
Dès quil fut en âge dapprendre un métier, son père entreprit de lui enseigner le sien. Aladdin ne semblait pas avoir un bien vif plaisir à manier laiguille ; mais il sy résignait par nécessité, lorsque Mustafa tomba gravement malade et mourut.
La pauvre veuve dut fermer la boutique de son mari et subsister, elle et son fils, avec le peu quelle pouvait gagner en filant du coton. Nayant pas de quoi payer lapprentissage dAladdin, elle le confia au premier tailleur qui voulu bien se charger de lui. Cet homme nenseignait pas grandchose au jeune garçon, et Aladdin, bien quil eût déjà quinze ans, en profitait souvent pour jouer sur la place publique avec les gamins du quartier. Sa mère ne manquait pas den être informée par les uns et par les autres, et elle en ressentait un vif chagrin. Lorsquelle lui reprochait sa légèreté, il se sentait ému et promettait dêtre plus raisonnable ; mais il ne tardait pas à retomber dans la même faute. Un jour quil samusait ainsi, au lieu de rentrer chez le tailleur, un étranger, passant sur cette place, sarrêta à le regarder. Cétait un puissant magicien, qui venait dAfrique.
Ayant examiné Aladdin, il le trouva bon pour accomplir certain projet dont il était préoccupé. Ainsi, tout en causant avec les boutiquiers de lendroit, se renseigna-t-il, sans en avoir lair, sur la famille de cet adolescent. Cela fait, il sapprocha de lui ; et, lemmenant à quelques pas de ses camarades :
Mon enfant, lui dit-il, votre père nest-il pas Mustafa le tailleur ?
Oui, Monsieur, répondit Aladdin ; mais voici déjà un peu de temps quil est mort.
Aussitôt létranger se jeta au cou du jeune garçon et lembrassa à plusieurs reprises, tout en donnant des marques du plus profond chagrin. Aladdin, le voyant sessuyer les yeux, lui demanda ce qui le faisait pleurer.
Ah ! mon fils, sécria lenchanteur, comment pourrais-je men empêcher ? Je suis votre oncle : votre père était mon frère. Il y a bien longtemps que je suis en voyage ; et, au moment où jarrive dAfrique avec lespérance de le revoir, vous mapprenez quil est mort ! Cest pour moi une cruelle douleur. Ce qui soulage un peu mon affliction, cest que je reconnais ses traits sur votre visage. Je vois que je ne me suis pas trompé en madressant à vous.
Il se fit ensuite indiquer par Aladdin où habitait sa mère ; et, lui donnant une poignée de menu monnaie :
Mon fils, allez trouver votre mère, présentez-lui mes respects, et dites-lui que jirai la visiter demain, pour me donner la consolation de voir le lieu où a vécu mon excellent frère.
Bien content de ce quil avait reçu Aladdin courut chez sa mère et lui raconta ce qui sétait passé. Elle parut très surprise. Son mari navait jamais eu quun frère, et ce frère était mort, lui avait-il dit, depuis de longues années.
Est-ce lui, pensa-t-elle, que lon aura faussement tenu pour mort ? Je crois bien me souvenir que le frère de mon mari avait fait de longs voyages. Cest peut-être lui qui nous sera revenu.
Cependant, elle resta défiante à légard de létranger.
Celui-ci, le lendemain, rencontra de nouveau le jeune garçon. Il lembrassa et lui mit dans la main deux pièces dor pour sa mère, afin quelle achetât des provisions de bouche. Il ajouta quil viendrait, au coucher du soleil, partager leur souper.
La veuve apprêta de son mieux un repas très supérieur à son frugal ordinaire. Comme le soir tombait, létranger arriva, chargé de fruits et de gâteaux. Après sêtre débarrassé de ses friandises, il salua la veuve ; puis, ayant considéré toutes choses autour de lui avec les apparences dune vive émotion il sécria :
Mon pauvre frère ! Que je suis malheureux de nêtre pas arrivé à temps pour tembrasser encore une fois avant ta mort !
Après avoir donné un libre cours à sa douleur feinte, il sassit pour souper et engager la conversation. Il parla des grandes entreprises qui lavaient tenu si longtemps au loin, en Afrique, et dans lesquelles il sétait enrichi ; puis il raconta son voyage de retour et toutes les fatigues quil avait enduré pour revenir, disait-il, dans son pays et vivre auprès de son frère. Ensuite, il interrogea Aladdin sur sa situation, avec toutes les marques du plus affectueux intérêt. Voyant que ce jeune garçon avait peu de goût pour létat de son père et nétait dailleurs pas en chemin de devenir un habile ouvrier, il lui proposa de louer pour lui une boutique et de lui acheter de belles étoffes, faciles à vendre avec un gros bénéfice. Aladdin, dont lesprit était fort avisé et qui parlait facilement, pensa quil réussirait dans le commerce ; aussi accueillit-il avec joie la proposition de son oncle supposé. Il len remercia très vivement.
Le souper fini, lenchanteur se retira en promettant sa visite pour le lendemain.
Il tint parole de bonne heure, emmena Aladdin avec lui et le fit habiller richement, de la tête aux pieds, comme il convient, disait-il, à celui qui bientôt recevra dans sa boutique les plus grands personnages.
Lorsquil ramena ladolescent chez sa mère, lexcellente femme, en le voyant ainsi vêtu, sentit se dissiper toutes ses défiances, et, transportée de joie, elle donna mille bénédictions au généreux parent qui témoignait tant daffection à son fils.
Le magicien déclara que, le lendemain, il louerait la boutique promise et achèterait les étoffes quAladdin commencerait à vendre. Il ajouta que pendant quelque il aiderait de sa présence et de ses conseils ladolescent inexpérimenté.
Demain il ny aura rien à faire, continua-t-il, puisque cest jour de fête : jen profiterai, mon cher neveu, pour te montrer les beaux jardins qui entourent la ville. Le lendemain matin, en effet, le magicien franchit les portes de la cité avec le jeune garçon et le conduisit à travers les jardins, ouverts au public, qui entouraient les maisons de plaisance des plus riches personnages. Aladdin regardait, émerveillé, des choses toutes nouvelles pour lui, qui nétait jamais sorti de la ville. On fit une pause dans lun des jardins, et loncle tira de sa large ceinture assez de gâteaux et de fruits pour faire une copieuse collation. Ensuite, on se remit en marche.
Tout en lamusant par des histoires, le rusé magicien entraîna ladolescent assez loin au-delà des jardins et lui fit traverser les champs qui les menèrent enfin dans une étroite vallée, entre deux âpres collines. Aladdin, surpris, voulut alors retourner vers la ville, alléguant que, si lon allait plus loin, il serait trop las pour refaire le chemin parcouru. Mais le secret dessein de lenchanteur devait être exécuté à lendroit même où lon était parvenu.
Nous nirons pas plus loin, dit-il. Je veux te faire voir ici des choses merveilleuses, et tu me remercieras toute ta vie de me les avoir montrées.
Là-dessus, il ramassa des broussailles bien sèches et u mis le feu, quil alluma en battant le briquet. Puis il jeta dans les flammes une poudre odorante. Une épaisse fumée séleva, et il la chassa à droite et à gauche, en prononçant des paroles magiques. La terre trembla et souvrit, découvrant une grande pierre carrée, avec un anneau de bronze au milieu, pour la soulever.
Aladdin, effrayé, voulu prendre la fuite ; mais lenchanteur le retint et lui donna un soufflet assez vigoureux pour le jeter par terre.
Mon oncle, dit Aladdin en pleurant, quai-je donc fait pour que vous me traitiez si rudement ?
Jai mes raisons pour cela, répondit le magicien. Je suis ton oncle, je remplace ton père, et tu nas rien à répliquer.
Lenchanteur avait cédé à un mouvement de colère ; mais il nétait pas fâché de montrer au jeune garçon quil voulait être obéi aveuglément. Cependant il se radoucit, ajoutant quAladdin naurait pas à se repentir de sa soumission.
Cette pierre, dit-il, recouvre lentrée dune salle pleine de trésors qui nous sont destinés, à toi et à moi, et qui nous rendrons plus riches que les plus grands rois du monde. Il ne mest pas permis de la soulever et de rentrer dans le souterrain. Toi, tu le peux ; mais, pour cela, il faut que tu accomplisses de point en point tout ce que je te dirais.
Le magicien savait en effet quil ne pouvait soulever lui-même la pierre, parce que cette opération exigeait une personne ignorante de la magie, et il avait jugé bon de recourir pour cela, non pas à un homme fait, mais à un jeune garçon, quil naurait aucune peine à faire périr ensuite en lenfermant dans le caveau. De cette façon, il naurait rien à partager et garderait pour lui seul son secret. Il était donc fort loin de songer à enrichir son prétendu neveu, au moment où il le rassurait par de belles paroles.
Eh bien, mon oncle, dit Aladdin, commandez : je suis prêt à obéir.
Le magicien ordonna au jeune garçon de prendre lanneau et de lever la pierre, ce quAladdin fit aisément, à sa grande surprise, car elle devait être dun poids énorme. Dès que la pierre fut ôtée, on aperçut un caveau, avec des degrés qui senfonçaient dans lombre.
Mon fils, dit alors lenchanteur, descends dans ce caveau. Au bas des degrés que tu vois, tu trouveras une porte ouverte qui te conduira dans un souterrain partagé en trois salles successives. Dans chacune, tu verras, à droite et à gauche, quatre grands vases de bronze, pleins dor et dargent ; mais abstiens-toi dy toucher. Traverse les trois salles sans tarrêter. Surtout, garde-toi bien dapprocher des murs : si tu les effleurais même avec tes vêtements, tu tomberais mort. Au bout de la troisième salle, il y a une porte qui te donnera accès dans un jardin planté de beaux arbres, tout chargés de fruits : sans tarrêter, traverse le jardin par une allée qui te mènera tout droit à un escalier de cinquante marches, pour monter sur une terrasse. Quand tu seras sur la terrasse, tu verras une niche, où se trouve une lampe allumée. Prends la lampe, éteins-la, et, quand tu en auras jeté le lumignon et le liquide, mets-la dans ta veste. Si les fruits du jardin te font envie, tu peux, au retour, en cueillir autant que tu voudras.
En achevant ses paroles, le magicien prit un anneau quil avait au doigt et le remit à lun des doigts dAladdin, en lui disant que cétait un préservatif contre les dangers du souterrain, pourvu quil observât bien toutes ses recommandations.
Va, mon enfant, lui dit-il, descends hardiment : nous allons être riches lun et lautre pour toute notre vie.
Aladdin sauta légèrement dans le caveau et fit tout ce qui venait de lui être prescrit, en observant les précautions nécessaires. Comme il sen revenait, ayant la lampe sous son vêtement, il sarrêta dans le jardin pour en considérer les fruits, quil navait vu quen passant. Cétaient des fruits extraordinaires. Chaque arbre en portait de couleurs différentes, tous dune grosseur, dun éclat et dune forme admirables. Il y en de blancs et scintillants, avec des feux de toutes couleurs, qui étaient de diamants ; de bleus, qui étaient des saphirs ; de rouges, de verts, de jaunes, de violets, qui étaient des rubis, des émeraudes, des topazes, des améthystes. Aladdin, nen soupçonnant point la valeur, eût préféré des figues ou des pêches ; il prit ces fruits merveilleux pour du verre coloré. Cependant, leur beauté lui donna envie den cueillir de toutes les sortes. Il en emplit ses larges poches, une grande bourse qui pendait à sa ceinture, cette ceinture elle-même qui était très ample, et il en mit encore sur sa poitrine, entre sa veste et sa chemise.
Chargé, sans le savoir, de tant de richesses, il traversa les trois salles et se présenta à lentrée du caveau, où le magicien lattendait avec impatience. Comme le poids des pierres précieuses le gênait pour gravir les dernières marches :
Mon oncle, dit-il, je vous prie de me donner la main pour maider à monter.
Mon fils, répondit lenchanteur, donne-moi dabord la lampe : elle pourrait te gêner.
Pardonnez-moi, mon oncle, elle ne me gêne pas ; je vous la donnerais dès que je serai monté.
La vérité est quAladdin avait embarrassé la lampe parmi les fruits précieux dont il avait rempli sa veste, et quil lui eût été difficile de len retirer sans faire tomber beaucoup de ces fruits. Comme le magicien sobstinait à ne vouloir lui tendre la main que sil donnait dabord la lampe, il sentêta lui-même à ne la donner quune fois hors du caveau ; de sorte que le magicien, au désespoir de la résistance quil rencontrait, entra dans une fureur épouvantable. Craignant dailleurs quun passant ne laperçût si la contestation se prolongeait, il jeta un peu de son parfum sur le feu, quil avait eu soin dentretenir ; et, dès quil eut prononcé trois paroles magiques, la pierre destinée à fermer lentrée du caveau se remit delle-même à sa place, avec de la terre par dessus.
Lenchanteur avait donc échoué dans son entreprise : car, sil avait fait un long voyage pour venir jusque dans cet endroit, cest quil avait appris par ses livres et ses opérations de magie que la possession de la lampe enfermée dans le caveau le rendrait plus puissant que tous les rois de la terre. Mais lobstination imprévue dAladdin, sa propre colère et la crainte dêtre surpris lui avaient fait sacrifier le malheureux garçon sans avoir reçu la lampe. Il perdait aussi le précieux anneau quil avait passé au doigt dAladdin pour lui permettre daccomplir son périlleux office ; mais il ny songea pas sur le moment. Exaspéré de fureur, maudissant son mauvais destin, il séloigna en évitant de passer par la ville et repris le chemin de lAfrique, doù il était venu. Selon toutes les apparences, on ne devait plus entendre parler du pauvre Aladdin ; mais lanneau quil avait au doigt allait le sauver.
Quand il se vit enterré tout vivant, le jeune garçon, épouvanté, appela bien des fois son oncle, en criant quil était prêt à lui donner la lampe ; mais ses cris ne pouvaient être entendus. Après avoir longtemps pleuré et sangloté dans les ténèbres, il descendit jusquau bas de lescalier du caveau, pour aller chercher la lumière du jour dans le jardin où il avait passé ; mais la porte qui donnait accès dans la première salle sétait refermée par enchantement et ne se distinguait même plus de la muraille. Le malheureux tâtonne devant lui, à droite et à gauche : il ne trouve plus de porte. Après avoir redoublé ses cris et ses pleurs, il sassoit enfin, désespéré, sur les marches du caveau, avec la triste certitude dune mort prochaine et affreuse.
Aladdin resta deux jours dans cet état, sans nourriture, sans sommeil, sans soulagement. Le troisième jour, se croyant près de mourir, il pensa tendrement à sa mère, qui ne le reverrait plus, et à qui, par ses légèretés denfant, il avait souvent fait de la peine. Alors, les yeux pleins de larmes, il joignit les mains comme pour la prier de lui pardonner les fautes quil avait commises.
En joignant ainsi les mains, il frotta, sans y penser, lanneau que le magicien lui avait mis au doigt, et dont il était loin de soupçonner la puissance. Aussitôt une faible lueur éclaira le caveau, et Aladdin vit surgir de terre un Génie au visage énorme et terrible, qui, lorsquil se fut dressé de toute sa hauteur, touchait de la tête la voûte du souterrain.
Que me veux-tu ? dit-il. Me voici prêt à tobéir dans la mesure de mon pouvoir, comme ton esclave et lesclave de tous ceux qui ont au doigt cet anneau.
Aladdin avait frémi à laspect de lapparition ; mais, voyant une chance de salut, il répondit sans hésiter :
Qui que tu sois, fais-moi sortir de ce lieu, si tu en as le pouvoir.
À peine eut-il prononcé ces paroles que la terre souvrit, et il se trouva hors du caveau, juste à lendroit où le magicien lavait amené. Après avoir passé un temps si long dans les ténèbres, il eut grandpeine à soutenir léclat du jour ; il finit cependant par y accoutumer ses yeux. Rien ne laisser apercevoir que la terre se fût ouverte ; seuls les restes dun feu de broussailles lui permit de reconnaître à coup sûr le lieu où il se trouvait.
Bien heureux davair échappé si merveilleusement à la mort, mais se traînant avec difficulté, Aladdin sen retourna vers la ville. Bien des fois il dut sarrêter, prêt à défaillir, et prendre un long repos avant de poursuivre sa route. Par bonheur, une claire fontaine lui permit dassouvir sa soif dévorante. Il parvint enfin à la porte de la ville et regagna sa maison au moment où le soir tombait. En entrant chez sa mère, la joie de la revoir, jointe à son extrême faiblesse, le fit évanouir. Lexcellente femme, qui lavait déjà pleuré comme mort, ou comme perdu à tout jamais, ne négligea rien pour le faire revenir à lui ; puis elle lui donna un peu de nourriture, et cest seulement lorsquil eut repris des forces quelle écouta le récit de son extraordinaire aventure. Ce ne fut pas, comme on le pense bien, sans frémir à tout moment de leffroyable danger quil avait couru, et sans maudire le misérable qui les avait si bien trompés par une feinte affection. Mais, voyant que son fils avait le plus grand besoin de repos, elle mit fin à leur entretien. Dès le lendemain, à la joie quils avaient de se trouver réunis, se mêla pour la mère et pour le fils, la souffrance de leur pauvreté.
Il ny avait plus de pain à la maison ; et, pour sen procurer la veuve se disposait à aller vendre un peu de fil de coton, lorsque Aladdin, songeant à la lampe quil avait rapportée, proposa de la porter chez un revendeur, qui la lui achèterait. Bien quil eût montré à sa mère les fruits cueillis dans le jardin merveilleux, ni lun ni lautre ne pensèrent à en tirer parti. Ne connaissant rien aux pierres précieuses, la veuve, aussi bien que son fils, prenait ces fruits pour des verroteries sans valeur. Elle lui demanda donc la lampe et, la trouvant sale, voulut la nettoyer avec un peu deau et de sable fin, dans lespérance de la vendre mieux. À peine eut-elle commencé à frotter quun géant hideux surgit devant elle et lui dit dune voix tonnante :
Que me veux-tu ? dit-il. Me voici prêt à tobéir dans la mesure de mon pouvoir, comme ton esclave et lesclave de tous ceux qui ont la lampe à la main.
La veuve, épouvantée, sévanouit ; mais Aladdin, instruit par lexpérience, saisit promptement la lampe et répondit avec fermeté :
Jai faim : apporte-moi de quoi manger.
Le génie disparu et, un instant après, revint chargé dun bassin dargent, quil portait sur la tête, avec douze plats de même métal, plein de mets excellents ; et six grands pains croustillants et dorés. Il avait à la main deux bouteilles de vin et deux tasses dargent. Ayant posé le tout sur le sofa, il disparut aussitôt.
Aladdin navait pas manqué de baigner le visage de sa mère avec de leau froide, pour la faire revenir de son évanouissement. Elle rouvrit les yeux, en effet, comme le géant venait de se retirer pour la seconde fois ; et, bien que très effrayée encore, elle se réjouit à la vue de tant de provisions et de richesses. Aladdin acheva de dissiper ses craintes, et ils se mirent à manger avec dautant plus dappétit quils ne sétaient trouvés, de leur vie, devant un tel festin.
La puissance merveilleuse de la lampe leur fit comprendre que le magicien eût entrepris un long voyage dans lespérance de sen emparer, et ils admirèrent le juste châtiment qui avait privé ce méchant homme du talisman convoité.
Aladdin ne savait pas exactement quels services il pouvait recevoir de la lampe ; mais elle avait exécuté dans la perfection son premier commandement, et il était disposé à croire quil lui serait redevable dautres bienfaits. Cependant, en garçon avisé, il jugea quil ne fallait pas trop se fier à sa bonne chance. Il résolut donc de tenir boutique détoffes, comme son faux oncle lui en avait donné lidée : la vente du bassin et des plats dargent lui en fournir le moyen, pourvu quil se contentât de louer dabord une modeste échoppe et dentreprendre un petit commerce, qui pourrait sagrandir ensuite.
Dailleurs, il noubliait pas le chagrin quil avait ressenti, dans le caveau, davoir souvent affligé sa mère ; il voulut lui donner la satisfaction de le voir gagner honorablement sa vie lui épargner à elle-même les fatigue dun travail excessif.
Aladdin tenait à garder secrète les origines de la fortune quil espérait acquérir : il éviterait ainsi dexciter lenvie et la défiance. Aussi pria-t-il sa mère de ne raconter son aventure à personne et de ne point parler du service quil devait à la lampe, ni de ceux quelle pourrait lui rendre par la suite.
La mère et le fils vécurent quelques jours des provisions apportées par le géant, tandis que la vente du bassin et des plats permettait au fils de louer une petite boutique et de sy établir avec quelques marchandises. Les premiers bénéfices furent très faibles ; et, comme il y eut aussi des pertes dues à linexpérience de ladolescent, il fallut de nouveau faire apparaître le Génie. Cest ce quAladdin obtint sans peine, en frottant sa lampe merveilleuse. Il commanda au géant un nouveau repas, qui fut servi aussi richement que le premier et qui subvint plusieurs jours à ses besoins, tandis que la vente de la vaisselle profitait à son commerce.
Des mois, des années, sécoulèrent ainsi ; Aladdin devint un jeune homme plein dexpériences et de sagesse. Il était dailleurs vigoureux, beau et bien fait de sa personne. Malgré la grande puissance dont il eût pu disposer, et quil tenait en réserve, il vivait fort simplement avec sa mère, augmentant peu à peu son commerce et ne recourant que de temps à autre aux bons offices de la lampe, sans lui demander autre chose que la répétition des présents déjà reçus. Mais le jour nétait pas éloigné où il aurait à lui demander davantage. 2. Aladdin réussissait dans son commerce ; malgré sa jeunesse, il était bien reçu par les marchands les plus considérables de la ville. Dans leurs boutiques ou dans leurs maisons il rencontrait toutes sortes de personnes distinguées, dont il prenait la politesse, les manières élégantes et il achevait ainsi son éducation.
Chez un joaillier de ses amis, il apprit à connaître les pierres précieuses et leur valeur plus ou moins grande ; de sorte quil ne fut pas longtemps à savoir que les fruits rapportaient du jardin merveilleux étaient, non point du verre coloré, mais dinestimables pierreries, auxquelles rien naurait pu être comparé chez les plus riches marchands ni dans le trésor des plus grands princes. Bien loin de sen vanter, comme dautres leussent fait à sa place, il eut la prudence de nen parler à personne. Un jour dété quil était allé à ses affaires, il sarrêta, pour y trouver un peu dombre et de fraîcheur, aux abords du palais où habitait le sultan, souverain du pays. Soudain, il vit savancer la fille de ce monarque, accompagnée dune suite nombreuse. Elle revenait de la promenade, et, suivant lusage commun de toutes les femmes de la contrée, lorsquelle ne sont pas dans leurs maisons, elle portait un voile épais qui lui couvrait le visage entier, excepté les yeux. Aladdin était à demi caché par un sycomore au large tronc. La princesse ne laperçut point ; et, comme elle navait plus quune dizaine de pas à faire pour entrer au palais, la jeune fille, ayant très chaud, ôta son voile. Aladdin put ainsi admirer sa resplendissante beauté, qui lui parut dépasser tout ce que limagination peut concevoir : et il rentra chez lui extrêmement préoccupé de cette rencontre.
Sa mère, le voyant triste et rêveur, lui demanda sil était souffrant. Il la rassura, mais garda le silence pendant toute la durée de leur souper. Comme elle linterrogeait de nouveau, avec inquiétude, il dit la rencontre quil avait faite ; et il ajouta que limage de la princesse ne seffacerait plus de sa pensée.
Les sentiments quelle ma inspirés, dit-il enfin, sont tels que jai pris la résolution de la demander en mariage au sultan.
La veuve sécria quil avait sans doute perdu lesprit ; il affirma quil était dans son bon sens. Elle reprit alors :
Par qui donc, mon fils, présenteras-tu au sultan cette demande extraordinaire ?
Par vous, ma mère, sil vous plaît, répondit Aladdin.
Elle en demeura toute saisie. Comment son fils, dont le père avait été un pauvre tailleur, pouvait-il songer à un pareil mariage ? Et, si elle avait laudace de présenter sa demande au sultan, ne la ferait-il pas chasser comme une folle ?
Sans se laisser persuader par des observations si judicieuses en apparence, Aladdin la supplia instamment de lui rendre ce service, et elle finit, en bonne mère, par se résigner à faire ce quil demandait. Il lassura quen agissant ainsi elle lui donnerait la vie une seconde fois, et quil lui en aurait une reconnaissance infinie.
Une chose, pourtant, la faisait encore hésiter. Chaque matin, le sultan, entouré de ses ministres, donnait audience à tous ceux de ses sujets qui voulaient lui parler, rendant justice aux uns et aux autres, accordant ou refusant les grâces quon sollicitait de sa bonté, mais ne repoussant jamais personne. Seulement, lusage était quon ne se présentât point devant lui sans un présent qui pût lui être agréable.
Que pourrais-je, dit la veuve, offrir à notre souverain, qui fût digne de son attention ? Et quelle proportion y aurait-il entre les plus riches cadeaux et la demande incroyable que tu veux lui faire ?
Le jeune homme appris alors à sa mère que les fruits aux brillantes couleurs quil avait apportés du jardin merveilleux nétait pas de simples verroteries, mais des pierres précieuses, dune valeur sans égale. Comme elle avait de la peine à le croire, il disposa dans un grand vase de porcelaine ces fruits splendides, quelle navait vus encore quà la lueur dune mauvaise lampe ; à la clarté du jour, ils rayonnèrent de telle sorte que la mère et le fils, éblouis, charmés par leur éclat et la variété de leurs couleurs, les contemplèrent longtemps sans pouvoir en détacher leurs yeux.
La veuve se sentit alors un peu moins effrayée par la mission quelle avait acceptée ; et, pour lui donner du courage, Aladdin lassura que, sil était nécessaire, il aurait laide de la lampe dans sa difficile entreprise. La bonne mère fit tout ce que son fils voulut. Le lendemain matin, elle prit la porcelaine où se trouvaient les pierreries, lenveloppa soigneusement et pris le chemin du palais. Le sultan, son grand vizir et les autres ministres étaient déjà dans la salle ouverte au peuple lorsquelle y pénétra. Elle se mit bien en face du sultan. Le souverain écoutait, assis sur un divan, ceux qui étaient venus lui exposer leurs affaires. Il en passa devant lui cinq ou six, qui, la veille, avaient pris leur tour en se faisant inscrire ; les uns sen allèrent contents, les autres peu satisfaits ; puis, le sultan se leva et sortit, suivi de ses ministres, en remettant au lendemain les affaires quil navait pas jugées.
La veuve se retira, bien affligée de ne pouvoir rapporter à son fils aucune réponse.
Il en fut de même les jours suivants, car elle ignorait quil fallût se faire inscrire pour parler à son tour, et elle nosait point sapprocher du sultan ni lui adresser la parole. Cependant, elle se plaçait toujours bien en face de lui et ne le quittait pas des yeux.
Le sixième jour, le sultan, qui lavait bien remarquée les jours précédents, laperçut tout à coup dans la foule. Touché par la patience et lhumilité avec laquelle cette femme attendait, il la désigna à son grand vizir.
Voilà, dit-il, celle que je veux entendre dabord.
Le grand vizir la montra au chef des huissiers, qui était debout, prêt à recevoir ses ordres, et lui commanda de la faire avancer.
Instruite par lexemple de ceux quelle avait vus aborder le sultan, la veuve, sétant approchée, se prosterna devant lui.
Bonne femme, dit le monarque, voilà plusieurs jours que je vous vois ici. Quelle affaire vous amène ?
Elle lui répondit en tremblant quelle osait à peine le lui dire, et quelle le suppliait de lui pardonner la hardiesse de la demande quelle allait lui faire. Afin de la mettre à laise, le sultan renvoya tout le monde, excepté son grand vizir, et il dit à la veuve de parler librement.
Quelle que soit votre demande, ajouta-t-il, je vous la pardonne dès à présent, et il ne vous en arrivera pas le moindre mal.
Ainsi rassurée, la veuve osa dire au sultan que son fils, ayant aperçu par hasard le visage de la princesse, en avait ressenti la plus profonde admiration. Cette vue, ajouta-t-elle, lui avait même inspiré de tels sentiments quil avait supplié sa mère de demander la princesse en mariage au sultan, et que, si elle navait pas cédé à sa prière, il se serait livré à un acte de désespoir.
Le sultan écouta ce discours sans aucune marque de colère. Bien que la demande lui parût des plus étranges, il neut pas même un sourire de raillerie. Avant de donner une réponse à la requête qui lui était présentée, il demanda à la veuve ce quelle tenait, si bien enveloppé. Alors elle découvrit le vase de porcelaine, plein de pierres précieuses, et le présenta au souverain.
On ne peut exprimer létonnement de ce monarque, lorsquil vit tant de pierreries si éclatantes, si pures, si parfaites, et dune grosseur telle quil nen avait jamais vu de pareilles. Il les admira longtemps, immobile en silence, tant sa surprise était profonde.
Ah ! que cela est beau ! dit-il enfin. Que cela est riche et merveilleux !
Après avoir admiré toutes les pierres, les avoir maniées, louant chacune delles en fin connaisseur, il se tourna vers son grand vizir ; et, sachant que ce personnage rêvait dunir son propre fils à la princesse, il lui dit, en feignant de parler avec le plus grand sérieux :
Que dis-tu de ce présent ? Nest-il pas digne de la princesse ma fille, et ne puis-je la donner à celui qui me la demande en moffrant de telles richesses ?
Le vizir, nosant point contredire son souverain, et obligé de reconnaître la magnificence des pierreries, fut extrêmement embarrassé. Enfin, se penchant à loreille du sultan, il le supplia dattendre trois mois avant de prendre une décision ; dici là, il se faisait fort, disait-il, de présenter à son maître un don plus précieux que celui dAladdin.
Le monarque doutait fort que son grand vizir pût lui offrir un présent supérieur à ces incomparables pierreries, mais il considérait comme peu convenable la demande qui lui était adressée par un de ses sujets, tout à fait inconnu de lui, et dont la mère était vêtue comme une femme du peuple. La proposition de son vizir lui fut agréable, car elle lui permettait de renvoyer la veuve sans un refus qui leût chagrinée ; et le sultan ne voulu point désobliger une personne qui lui offrait un présent si rare et si beau.
Allez, bonne femme, dit-il, et remerciez votre fils de la demande quil ma faite ; mais je ne pourrais lagréer comme époux de ma fille que dans trois mois, et si aucun prétendant nest venu moffrir un présent plus riche.
La veuve sen retourna bien heureuse, cette fois, dapporter à son fils des paroles despérance. Aladdin les accueillit avec joie, en exprimant à sa mère la plus tendre gratitude. Les trois mois sécoulèrent bien lentement à son gré. Chaque jour, il craignait dapprendre larrivée au palais de quelque prétendant, fils dun grand personnage ou dun souverain, qui offrirait au sultan de merveilleux trésors. Mais les jours passèrent sans quil entendît parler de rien à ce sujet.
Quand les trois mois furent écoulés, sans perdre un jour, il pria sa mère de retourner au palais ; ce quelle fit aussitôt, pour calmer son impatience.
En la revoyant, le sultan fut embarrassé. Bien quil fût le maître de la renvoyer sans explication, il lui déplaisait de manquer à sa parole. Aussi demanda-t-il conseil au vizir ; en lui faisant part de la répugnance quil aurait à conclure le mariage de sa fille avec un inconnu, de très humble origine sans doute. Le grand vizir, dont le fils navait découvert aucun trésor comparable aux fruits précieux dAladdin, ne manqua pas dinsister auprès de son maître sur linconvenance de la demande qui lui était faite pour la seconde fois.
Cependant, dit-il, puisque Votre Majesté veut bien donner à cette bonne femme une raison qui la satisfasse, au lieu de la renvoyer après une sévère remontrance, demandez-lui, pour accorder la princesse à son fils, de telles richesses quil lui soit certainement impossible de les posséder.
Le sultan approuva ce conseil ; et, après un moment de réflexion :
Ma bonne femme, dit-il, les sultans doivent tenir parole : je suis prêt à tenir la mienne et à rendre votre fils heureux : mais, comme je ne puis marier ma fille sans lui assurer une fortune digne de son rang, vous direz à votre fils que jaccomplirai ma parole dès quil maura envoyé quarante grands bassins dor massif, pleins de pierreries comme vous men avez déjà présenté, et portés par un même nombre desclaves noirs, qui seront conduits par quarante esclaves blancs, tous jeunes, bien faits, de belle taille, et habillées magnifiquement. Allez, bonne femme : jattendrai que vous mapportiez sa réponse. La veuve rentra chez elle moins joyeuse que trois mois auparavant, et cest avec la crainte de peiner vivement son fils quelle lui apporta les paroles du sultan ; mais Aladdin, beaucoup plus confiant quelle en vertu de son talisman, sentit, au contraire, son espoir redoubler. Il ne perdit pas un moment pour frotter la lampe au même endroit que dhabitude ; et, le Génie sétant présenté, il lui ordonna dexécuter sans retard tout ce que le sultan avait prescrit.
Quelques instants après, le Génie reparaissait avec quarante esclaves noirs, dont chacun portait sur la tête un bassin dor massif, plein dénormes fruits de diamant, de saphir, de rubis, démeraude ; chaque bassin était couvert dune toile dargent à fleurons dor et semée de perles. Tous ces hommes étaient beaux, grands, robustes, et si magnifiquement vêtus que peu de rois auraient pu lêtre ainsi. Ils occupèrent toute la maison et une petite cour intérieure.
Sans laisser à sa mère le temps dexprimer son profond étonnement dun tel prodige, Aladdin dun tel prodige, Aladdin la pressa de retourner sur-le-champ au palais, afin de présenter au sultan le don merveilleux exigé par lui ; puis il ouvrit la porte de la maison et fit défiler tous les esclaves, à intervalles bien égaux, en faisant toujours marcher un noir à la suite dun blanc. Tandis que sa mère les conduisait, il rentra chez lui, et, plein despérance, il attendit.
Sur tout le parcours du cortège les passants ne manquèrent pas de sarrêter, et cest au milieu dun peuple innombrable, saisi dadmiration, quil parvint au palais. Lorsque le premier esclave parut à la porte de la première cour, les portiers, le prenant pour un roi, savancèrent pour baiser le bas de son vêtement ; mais lesclave, instruit par le Génie, les arrêta et leur dit gravement :
Nous ne sommes que des esclaves ; notre maître paraîtra quand il en sera temps.
Le sultan, averti, reçut les esclaves, dont la splendeur effaçait léclat des plus grands seigneurs groupés autour de lui. Les blancs et les noirs se prosternèrent tous ensemble, en frappant du front contre le tapis ; puis ils se relevèrent, et les noirs, en se redressant, découvrirent les bassins quils avaient posés à terre.
En même temps, la mère dAladdin, qui sétait prosternée aussi, disait au sultan :
Sire, mon fils nignore pas que tous les trésors du monde sont bien peu de chose, comparés à la beauté de la princesse votre fille ; mais il dépose à vos pieds ce que vous avez daigné exiger de lui, en vous suppliant de le faire agréer comme époux à la princesse.
Le sultan resta sans paroles, tant il était stupéfait dadmiration. Enfin, dadressant à son grand vizir :
Eh bien, dit-il à haute voix, que penses-tu de celui qui menvoie un présent s extraordinaire ? Le crois-tu indigne dépouser ma fille ?
Malgré tout le dépit quil put en ressentir, le premier ministre fut obligé de reconnaître quun homme capable daccomplir de telles merveilles pouvait bien devenir le gendre du sultan, et tous les seigneurs de la cour applaudirent à ses paroles.
Le sultan nhésita plus :
Bonne femme, dit-il à la veuve, allez dire à votre fils que je lattends pour lembrasser, comme lépoux que ma chère fille recevra de ma main. Dès quil eut appris lheureuse nouvelle, Aladdin, ivre de joie, eut de nouveau recours au Génie de la lampe : ne lui fallait-il pas des vêtements magnifiques, un cheval de pur sang, une riche et nombreuse escorte ? Ne fallait-il pas que sa mère fut elle-même habillée de neuf et accompagnée desclaves pour la servir ? Ce nest pas quil désirât se faire passer pour un prince, ne létant point par origine ; mais il voulait que la princesse neût point à regretter de le recevoir pour époux. Il demanda, en outre, dix mille pièces dor au Génie.
Lorsque tous ses ordres eurent été exécutés, il se dirigea vers le palais avec sa suite : sa mère laccompagnait. Par une secrète influence de la lampe, Aladdin qui navait jamais monté à cheval, y parut avec tant de bonne grâce que personne ne leût pris pour un cavalier novice.
Tout le peuple de la ville se pressait sur son passage, admirant la modestie de son maintien autant que sa bonne mine et la richesse de son attirail princier. Ceux qui lavaient connu lui savait gré davoir vécu parmi eux avec une parfaite simplicité, quant il aurait pu les éblouir de sa fortune et les traiter avec dédain. À droite et à gauche du cortège, des esclaves jetaient au menu peuple des pièces dor, qui étaient accueillies par de nombreuses acclamations en lhonneur du généreux donateur. Personne ne porta envie à son bonheur et à sa gloire, tant il en parut digne.
Le sultan accueillit à bras ouverts celui qui allait être son gendre et, sur-le-champ, le conduisit auprès de la princesse. Elle fut charmée par la prestance, lair noble et doux de son fiancé, et fort sensible à lémotion quil éprouva en la voyant, comme aux respects pleins de tendresse quil lui témoigna.
Le grand vizir, les ministres, les seigneurs de la cour, entouraient leur souverain et le jeune couple. Tandis que le sultan sentretenait avec Aladdin, ils admirèrent, dans les réponses du jeune homme, la solidité de son jugement, la finesse de ses pensées et lélégante facilité avec laquelle il les exprimait.
Le sultan, ravi, voulait conclure le mariage sans aucun délai ; mais Aladdin le supplia de lui permettre délever une demeure digne de celle qui allait être son épouse. Le sultan voulut bien y consentir et lui accorda pour cela une partie de la place, beaucoup trop vaste, qui sétendait devant son palais. Il nattendit pas longtemps la construction de la demeure destinée à sa fille : car, pendant la nuit, grâce aux bons offices de la lampe, Aladdin fit surgir instantanément du sol un palais si merveilleux, de proportions si admirables, de matériaux si rares et si beaux, que rien de pareil nexistait sur toute la surface de la terre.
Ce fut en séveillant, le lendemain matin, que le sultan, sétant mis au balcon, aperçut, en face de son propre palais, la splendide et gracieuse construction qui sétait élevée pendant la nuit. Dabord il crut rêver ; puis, sétant frotté les paupières pour sassurer quil ne dormait pas, il fit appeler son grand vizir et lui montra son incroyable merveille. Le premier ministre ne pouvait se défendre dune secrète rancune à légard dAladdin ; aussi exprima-t-il lidée que le nouveau palais, uvre de magie pouvait bien disparaître comme il avait apparu. Le sultan lui répondit en souriant.
Je vois bien, vizir, que tu nas pas encore pardonné à mon cher Aladdin de sêtre fait agréer à la place de ton fils.
Le grand vizir se tut, et le sultan, fort joyeux, fit tout préparer pour le mariage de sa fille, qui fut célébré avec une pompe extraordinaire.
Aladdin ne fut pas seulement un heureux époux : ce fut un prince accompli, qui mis les plus belles qualités au service de lÉtat. Il rendit au sultan déminents services, comme dapaiser par son esprit conciliant une sédition qui sétait élevée dans une des provinces du royaume, et de mettre fin très rapidement, par une seule victoire, à lagression injustifiée dun monarque voisin.
Pas un pauvre ne se présentait à la porte de son palais sans se retirer content de sa libéralité. Comme il allait souvent à la chasse et quelquefois fort loin, il exerçait la même générosité par les chemins et les villages. Enfin, ses manières affables et accueillante pour tous lui attirèrent, plus quau sultan lui-même, laffection du peuple entier. 3. Revenons maintenant au magicien qui avait voulu faire dAladdin linstrument de sa fortune.
De retour en Afrique, il songeait amèrement à limpossibilité où il se trouvait de quérir la lampe et de ravoir son anneau. Il goûtait, du moins, une joie méchante à la pensée quAladdin était mort misérablement dans le souterrain où il lavait laissé.
Plusieurs années sétaient écoulées, lorsque lui vint tout à coup le désir de sassurer, par une opération de magie, que le jeune garçon avait péri en effet. Quelles ne furent pas sa surprise et sa rage en découvrant quAladdin était sorti du souterrain et vivait dans une grande splendeur, gendre du sultan et honoré du titre de prince ! Aussitôt il résolut de se venger et, sil le pouvait, de reconquérir la lampe.
Étant retourné, par un long et pénible voyage, dans la capitale du sultan, il se fit indiquer la résidence du jeune prince. Là, il apprit dun gardien de la porte quAladdin était à la chasse pour plusieurs jours encore.
Le magicien ne doutait pas quAladdin eût obtenu sa haute situation et construit son merveilleux palais grâce aux vertus de la lampe. Il sagissait de savoir où elle se trouvait. Une nouvelle opération magique lui apprit quelle était dans le palais. Aladdin, par malheur, ly avait laissée, craignant de la perdre ou den être gêné, sil lemportait avec lui ; et il lavait cachée an fond dun coffre à mettre du linge.
Sachant ce quil voulait savoir, le magicien acheta douze lampes de cuivre bien brillantes, et il sen alla vers le palais en criant :
Qui veut changer de vieilles lampes pour des neuves ?
En lentendant crier ainsi, les enfants qui jouaient sur la place ou dans les rues voisines le prirent pour un fou et accoururent autour de lui avec des huées. Les passants riaient de ce quils croyaient être sa bêtise. Mais il nen continuait pas moins à savancer vers le palais en répétant le même cri, au milieu dune foule grossissante.
Tout ce bruit étant parvenu aux oreilles de la princesse, elle envoya une esclave demander ce quil y avait. Cette femme revint en riant et dit ce quelle avait vu et entendu.
À propos de vieille lampe, fit une autre esclave, je viens den apercevoir une dans le coffre où le prince jette les turbans quil a portés. Toutes les semaines il me les fait prendre pour les donner aux pauvres. Aussi jai cru pouvoir ouvrir le coffre en son absence et jai vu, tout au fond, une vieille lampe. Si la princesse le veut bien, jirais porter cette lampe à lhomme que lon entend crier, afin de voir sil sera vraiment assez fou pour me donner une lampe neuve en échange.
Or, cétait bien de la lampe merveilleuse que parlait cette femme. Aladdin navait point songé quon ouvrirait le coffre en son absence, ni que personne saviserait dy prendre un objet qui paraissait de si mince valeur. Aussi, ayant égaré la clé de ce coffre, navait-il point hésité à partir sans lavoir bien fermé. Il eut tort, sans doute ; mais on ne pense pas à tout.
La princesse, ignorant les vertus de la lampe merveilleuse, dont Aladdin ne lui avait point parlé, permit à lesclave de faire ce quelle avait proposé ; et celle-ci revint, toute réjouie, en apportant une lampe neuve, tandis que de grands éclats de rire sélevaient sur la place.
Lenchanteur pensa bien que la vieille lampe de cuivre dont il sétait rendu possesseur était celle-là même quil convoitait se ardemment : il ne pouvait y en avoir dautre dans le palais dAladdin, où tous les ustensiles étaient dor et dargent, comme chacun le savait dans la capitale.
Le prétendu marchand de lampe séloigna bien vite de la place, gagna une étroite ruelle et, par les voies les moins fréquentées, sortit de la ville. Parvenu en pleine campagne, il attendit le milieu de la nuit ; et, le moment venu, il frotta la lampe. À cet appel, le Génie lui apparut.
Que me veux-tu ? demanda-t-il. Me voici prêt à tobéir dans la mesure de mon pouvoir, comme ton esclave et lesclave de tous ceux qui ont la lampe à la main.
Je te commande, dit le magicien, denlever à linstant même le palais que tu as bâti, tel quil est, avec tous les êtres vivants quil renferme, et de le transporter avec moi sur la terre dAfrique, là où jai ma demeure habituelle.
Sans dire un mot, le Génie, aidé par dautres esclaves de la lampe, auxquels il commandait, transporta aussitôt le palais avec tous ses habitants, et le magicien lui-même, à lendroit qui lui avait été désigné. Dès son réveil, le sultan alla, comme à son ordinaire, prendre le frais sur son balcon. Quelle ne fut pas sa stupeur en voyant la place vide, telle quelle était avant le palais dAladdin sy élevât ! Il crut rêver et se frotta les yeux, comme il lavait fait en apercevant le palais pour la première fois ; mais il ne dormait point, le jour avait paru, et tous les objets autour de lui étaient fort distincts.
Ne sachant que penser, il envoya en toute hâte chercher le grand vizir. Celui-ci, aussi stupéfait que son maître par la disparition du palais, ne manqua pas, cependant, de rappeler au sultan quil lui avait parlé de cette extraordinaire construction comme dune uvre magique, appelée à disparaître aussi aisément quelle avait surgi.
Frémissant de colère et tremblant pour la vie de sa fille, le sultan ordonna quon allât chercher Aladdin au milieu de ses chasses et quon le lui amenât couvert de chaînes. Ceux qui furent chargés dexécuter cet ordre sen excusèrent auprès du jeune prince ; les amis et serviteurs qui lentouraient voulurent le défendre par les armes ; mais il sy opposa pour éviter toute effusion de sang, et se laissa conduire au palais de son beau-père.
Cependant, le peuple, apprenant que la vie dAladdin était en danger, sassembla sur la place pour défendre par tous les moyens celui quil aimait.
Dune voix furieuse, le sultan criait à son gendre :
Où est ton palais, misérable ? Où est ma fille ?
Atterré, Aladdin répondit quil navait aucune part à la disparition de son palais, et quil ferait limpossible pour retrouver celle quil chérissait par-dessus tout ; mais le sultan, fou de rage, fit venir le bourreau et lui commanda de trancher la tête dAladdin. Cet ordre barbare allait être exécuté, lorsque le peuple, renversant les soldats massés devant le palais, sélança jusque devant les fenêtres du sultan. Le grand vizir montra à son maître cette foule irritée, qui réclamait Aladdin à grands cris. Sans doute elle ne tarderait pas à faire irruption dans le palais, et peut-être, aveuglée de fureur, ne respecterait-elle pas la vie du monarque lui-même. Le sultan, saisi dépouvante, fit mettre Aladdin en liberté.
Alors le jeune prince, entouré par le peuple, se tourna vers la fenêtre derrière laquelle son beau-père, tremblant, regardait la foule, et il lui affirma par serment que si, dans quarante jours, il navait pas retrouvé la princesse, il reviendrait au palais pour que le sultan disposât de sa tête. Après avoir remercié le peuple, qui lavait sauvé et qui lui gardait son affection dans le malheur, Aladdin quitta la ville, seul, et marcha longtemps à laventure, se demandant avec angoisse comment il pourrait retrouver sa femme bien-aimée et conjurer le destin qui sappesantissait sur lui. La perte de la lampe, il ne pouvait en douter, avait fait son malheur. Combien il se reprochait de sen être dessaisi, ou de ne lavoir pas confiée à sa chère épouse, en lui faisant connaître les merveilleuses vertus de ce talisman !
Vers le soir, Aladdin sétendit sur le sol, à la lisière dune forêt ; mais il ne put dormir. Pendant toute la journée du lendemain, il erra, anxieux, sans prendre aucune nourriture ni aucun repos. Tout à coup il se rappela le terrible danger quil avait couru dans le souterrain où il était allé chercher cette lampe, dont la perte le désespérait, et comment il avait été alors sauvé par lanneau du magicien. Ayant au doigt cet anneau, il le frotta sur-le-champ.
Le Génie quil avait vu dans e souterrain se dressa devant lui.
Que me veux-tu ? dit-il. Me voici prêt à tobéir dans la mesure de mon pouvoir, comme ton esclave et lesclave de tous ceux qui ont au doigt cet anneau.
Génie, sécria le jeune homme, sauve-moi la vie une seconde fois en reportant où il était le palais que jai fait bâtir.
Ce que tu demandes, répondit le Génie, nest pas en mon pouvoir. Adresse-toi à lesclave de la lampe ; moi, je ne suis que lesclave de lanneau.
Eh bien ! répondit Aladdin, de même que tu mas transporté hors du souterrain, transporte-moi jusquau lieu où est mon palais, en quelque endroit de la terre quil soit, et dépose-moi sous les fenêtres de ma femme.
À peine eut-il parlé que le Génie le transporta en Afrique, là où se dressait son palais au milieu dun beau jardin, et le déposa sous les fenêtres de la princesse.
La nuit était venue, et Aladdin, épuisé de fatigue, dormit jusquà laube, au pied dun arbre. Éveillé, dès les premières lueurs du jour, par le gazouillement des oiseaux, il fut bien heureux de penser quil apercevrait bientôt sa chère princesse. Tout en attendant quelle parût à sa fenêtre, il se demanda, sans trouver aucune réponse, qui avait pu lui ravir la lampe et faire son malheur.
Au levé du soleil, une esclave de la princesse, ayant regardé à travers une jalousie, aperçut Aladdin couché sur le gazon. Aussitôt prévenue, la princesse, tremblante démotion, lenvoya chercher. Avec quelle joie ils sembrassèrent, après une séparation si pleine dangoisse !
En interrogeant la princesse, Aladdin acquit la certitude que la perte de la lampe avait bien était la cause de son malheur. Il apprit en outre quil se trouvait en Afrique, et il en conclut que le prétendu marchand de lampes devait être ce même enchanteur dont il connaissait la cruelle méchanceté. Comme la princesse, ce misérable avait résolu de la prendre pour épouse ; il avait pénétré plusieurs fois chez elle pour la décider à y consentir, lassurant quAladdin avait eu la tête tranchée. Elle avait repoussé ses offres en pleurant, et il sétait retiré plein de colère. À sa dernière visite, il lavait même menacée de lui infliger les traitements les plus barbares, si elle continuait à lui opposer des refus quil jugeait offensants.
Aladdin jura à sa chère femme quil laurait bientôt délivrée de leur ennemi, et lavertit de ne point se troubler en le voyant revenir sous de pauvres vêtements. Puis il se rendit à la ville voisine, dont on apercevait les maisons, des fenêtres du palais.
En chemin il rencontra un paysan, avec qui il changea dhabits, car il ne voulait pas attirer lattention par la richesse de ses vêtements. Arrivé dans la ville, il se rendit chez un droguiste et, moyennant une pièce dor, lui acheta une petite quantité de certaine poudre dont il connaissait bien les effets.
De retour au palais, il dit à la princesse de quelle façon elle devait agir. Elle aurait à dissimuler ses vrais sentiments pour en manifester dautres, bien éloignés des siens ; ce serait une contrainte pénible, mais nécessaire à leur salut. Lorsque le magicien reviendrait la visiter, elle lui permettrait despérer quelle finirait par laccepter lui-même comme époux. Pour mieux assurer lenchanteur de ses bonnes dispositions, elle linviterait à faire la collation chez elle ; et une esclave leur présenterait deux coupes dexcellent vin, dans lesquelles on aurait versé la poudre rapportée de la ville. Sa défiance ne serait point excitée, puisquil pourrait choisir à son gré lune des deux coupes ; mais la princesse ne ferait quapprocher le vin de ses lèvres, sans y toucher, tandis que le magicien boirait. Du reste, la poudre ne devait pas donner la mort au buveur, mais le plonger immédiatement dans un profond sommeil, même sil nen avalait que deux ou trois gorgées.
Aladdin supposait avec raison que son ennemi aurait sur lui la précieuse lampe : lenchanteur lavait une fois tirée de son vêtement devant la princesse, pour se glorifier davoir conquis ce talisman par la ruse. Le jeune prince, frémissant dimpatience, espérait bien ressaisir ce quil lui avait été ravi. Toute chose étant réglée, Aladdin se dissimula dans un petit cabinet attenant à la pièce où sa femme devait recevoir le magicien. Celui-ci ne tarda pas à venir, les sourcils froncés, car il sattendait à une nouvelle résistance de la princesse, à des larmes, à des sanglots. Grandes furent sa surprise et sa joie en la trouvant fort radoucie, presque consolée, accueillant son hôte avec une aimable courtoisie.
Après une conversation animée, dans laquelle le magicien essaya de faire briller tout son esprit, la princesse lui offrit de partager la collation quelle prenait dhabitude à ce moment de la journée. Il accepta avec ravissement, loua fort la beauté des fruits, la délicatesse des pâtisseries quon lui offrait ; et, lorsquune esclave lui présenta un plateau dor sur lequel brillait deux coupes de cristal, pleines dun vin couleur de rubis, cest avec un transport de joie quil porta la coupe à ses lèvres pour boire à la santé de la princesse. En achevant de vider la coupe, comme il avait la tête un peu en arrière, il resta un instant dans cette position ; puis, tout à coup, il tomba à la renverse, comme sil eût été mort.
Au bruit de sa chute, Aladdin se précipita dans la pièce. Il fit sortir les esclaves ; puis, fouillant le magicien, il trouva sur lui la précieuse lampe.
Désormais, dit-il en regardant le talisman, tu ne me quitteras plus, et malheur à qui voudrait semparer de toi !
Ensuite, il frotta la lampe en présence de sa femme, à laquelle il ne voulait plus rien cacher.
Le Génie apparut.
Je tai appelé, lui dit Aladdin, de la part de la lampe, ta bonne maîtresse, pour que tu reportes ce palais où tu las pris. Tu chemineras assez lentement pour quil ny soit pas rendu avant lheure où tout sommeil dans la ville.
Le Génie se retira pour rassembler ses serviteurs. Pendant ce temps Aladdin, voyant à ses pieds le corps de son ennemi, fut tenté de lui enfoncer un poignard dans le cur.
Il la plus dune fois mérité, pensa-t-il ; mais le frapper dans son sommeil me répugne.
Alors ayant ouvert la fenêtre, il prit dans ses bras lhomme endormi et le jeta hors du palais.
La princesse poussa un cri.
Peu nous importe, dit Aladdin, que ce misérable se soit brisé ou non dans sa chute. Assieds-toi près de moi, ma femme bien-aimée. Je puis tassurer que notre joie sera entière demain matin. À son réveil, le sultan aperçut le magnifique palais dAladdin, rayonnant dans la clarté de laurore. Il ne fut pas longtemps avant de revoir sa chère fille, quil avait cru à jamais perdue, et cest en pleurant de joie quelle se jeta dans ses bras. Suivant la recommandation dAladdin, elle ne lui parla point de la lampe ; mais, comme elle se reprochait de navoir pas deviné quune vieille lampe conservée par son époux devait avoir quelque vertu secrète, elle dit à son père quune faute commise par elle avait été la cause du terrible danger quelle avait couru.
Le sultan voulut bien accepter cette explication ; il était trop heureux pour ne pas sen contenter. Il embrassa Aladdin avec tendresse, lui rendit toute sa confiance et neut jamais à sen repentir.
Cependant, tout le peuple, ému et joyeux, affluait déjà autour du palais revenu de son mystérieux voyage ; il poussait en lhonneur du prince et de la princesse des acclamations sans fin ; et le sultan, rentré en grâce auprès de ses sujets, fit proclamer une fête de dix jours au son des timbales, des tambours et des trompettes.
-
Commentaires