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8 Janvier 2008 à 21:53
Une pierre blanche dans l'histoire des marais
Le Comité des Marais et Rivières du Pays de Redon et de Vilaine travaillait depuis deux ans à l'édition d'ouvrages de références sur les marais. C'est chose faite, ces livres sont désormais disponibles. Émile Granville, président de l'association et directeur de rédaction des ouvrages, a fait appel aux meilleurs spécialistes ainsi qu'aux historiens locaux et conteurs du Pays de Redon. Près de 40 personnes y ont contribué. 600 pages d'informations, de récits et de documentation, illustrées par 780 photos et dessins. Ces deux livres sont accompagnés d'un DVD de 10 films de 6 mn chacun. Cette réalisation a bénéficié du soutien du Groupement d'Intérêt Public du Pays de Redon et de Vilaine, dans le cadre du programme européen Leader+, et des conseils généraux d'Ille-et-Vilaine, du Morbihan et de Loire-Atlantique.
Deux tomes Nature et Culture
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8 Janvier 2008 à 21:35
La couverture du livre était trop belle pour ne pas être utilisée immédiatement : la photo en noir et blanc d'un bus, en pleine nature, à moitié recouvert par la neige. Puis le titre, Into the Wild, incrusté en majuscules sur le cliché, comme si les lettres faisaient partie du paysage. Dès le premier coup d'oeil, Sean Penn savait qu'il porterait à l'écran le récit du journaliste Jon Krakauer. "Mon sang n'a fait qu'un tour. Je pensais en faire ma lecture du week-end, mais les images sont venues avec les mots. Je devais l'adapter." Cet impératif s'appuie sur un besoin. Une affirmation de Sean Penn se ponctue toujours avec une cigarette allumée.
Best-seller aux Etats-Unis, Into the Wild (Presses de la Cité, 312 p., 19 euros) relate un fait divers qui a défrayé la chronique. En 1992, le cadavre d'un jeune homme, Christopher McCandless, était découvert dans un bus abandonné en Alaska, loin de tout lieu habité. Ce dernier, fils de bonne famille, fraîchement diplômé de l'université, avait tourné le dos à une brillante carrière professionnelle et rompu tout contact avec sa famille pour sillonner, sous un nom d'emprunt, le sud des Etats-Unis avant de s'installer au coeur de l'Alaska. Lire la suite
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Mes lectures le
8 Janvier 2008 à 12:52
" Je m'appelle Renée, j'ai 54 ans et je suis la concierge du 7 rue de Grenelle, un immeuble bourgeois. Je suis veuve, petite, laide, grassouillette, j'ai des oignons aux pieds et, à en croire certains matins auto-incommodants, une haleine de mammouth. Mais surtout, je suis si conforme à l'image que l'on se fait des concierges qu'il ne viendrait à l'idée de personne que je suis plus lettrée que tous ces riches suffisants.
Je m'appelle Paloma, j'ai 12 ans, j'habite au 7 rue de Grenelle dans un appartement de riches. Mais depuis très longtemps, je sais que la destination finale, c'est le local à poissons, la vacuité et l'ineptie de l'existence adulte. Comment est-ce que je le sais ? Il se trouve que je suis très intelligente. Exceptionnellement intelligente, même. C'est pour ça que j'ai pris ma décision: à la fin de cette année scolaire, le jour de mes 13 ans, je me suiciderais."
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27 Décembre 2007 à 20:57
La chronique de Stéphane Denis du 27 décembre.
Julien
Gracq était ce morceau de bronze que la littérature, prévoyante, avait
entreposé à Saint-Florent-le-Vieil en prévision du jour où on la
considérerait comme une activité d'autrefois. Aussi l'a-t-on enterré
avec une révérence un peu ancienne, dans une sorte d'hommage général où
perçait le regret. C'était un regret de pure forme car chacun avait
bien compris que les murs avaient changé. Au même moment, nous
apprenions que la lecture ne faisait plus rêver. Au temps d'Internet,
des réservations de dernière minute et des billets low-costs, il y
avait des façons plus efficaces de voyager. Celui qui faisait ce
constat était le président de la République. Comme il avait raison.
Cependant, il reste des amateurs de circulation en chambre et de rêve
éveillé. Ils en trouvent le plus souvent la matière dans des livres
d'autrefois. Après tout, il est parfaitement possible que la lecture
n'ait duré qu'un temps, fût-il long et couvert de gloire. C'est très
déconcertant pour ceux qui sont nés dedans, mais des tas de choses, de
gens, d'habitudes ont fini par disparaître dont nous avons perdu le
souvenir. J'ajoute que l'hommage à Gracq a surtout été rendu par une
poignée de spécialistes. Les gens du métier, en somme, des critiques
nostalgiques qui déjà ne sont plus jeunes et des écrivains qui
l'étaient encore quand Gracq leur paraissait admirable. Ce qui
avait fait la suprématie de Gracq était, me semble-t-il, son
rattachement à la longue série des écrivains de cette première moitié
du XXe siècle qui restera notre âge d'or. Bien qu'il publiât après la
guerre, Gracq était de l'autre bord, comme un dernier rameau peut-être.
Sa littérature ressemblait à son département du Maine-et-Loire :
aimable, ordonnée, un peu plate, s'animant sur ses fins comme s'agitent
les Mauges avant de finir dans la Vendée. Gracq avait le style coulant
dont Jean Dutour disait que, quand il coule vraiment, cela peut-être
beau comme la Loire. Il l'amidonnerait un peu quand il écrirait en
costumes (Le Rivage des Syrtes est un roman en costumes) et dans ses
livres les plus poétiques resterait une bonne dose de cet apprêt
formel.
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27 Décembre 2007 à 20:55
Noo-politique spinoziste ? (Recension de deux livres récents sur Spinoza, de Lorenzo Vinciguerra et de Pascal Sévérac)
Mise en ligne le jeudi 27 décembre 2007
Maurizio Lazzarato proposait dans son dernier ouvrage dappeler noo-politiques « les nouvelles relations de pouvoir qui prennent comme objet la mémoire et son conatus (lattention) ». La noo-politique
(telle quelle sexerce aujourdhui à travers « les réseaux hertziens,
audiovisuels, télématiques, la constitution de lopinion publique, de
la perception et de lintelligence collective ») opère « la modulation
des flux de désirs et de croyances, et des forces (la mémoire et
lattention) qui les font circuler dans la coopération entre
cerveaux »( [1]). Ce néologisme, dont une note précise quil faut le situer au croisement du noûs des Grecs (« la partie la plus haute de lâme, lintellect ») et du fournisseur daccès à Internet Noos,
sinscrit dans une tradition de pensée que lauteur fait explicitement
remonter à Gabriel Tarde et à Leibniz. De même que Tarde avait pris la
peine de préciser son rapport à Leibniz dans un long essai consacré au
rapport entre « Monadologie et sociologie », de même Maurizio Lazzarato
propose-t-il une néo-monadologie qui puise chez
Leibniz les concepts d « événement » et de « monde possible » à partir
desquels se construit son analyse politique des mouvements sociaux du
début du XXIe siècle.
Au cours des dernières années, on a pu sentir sinstaller, dans les
milieux de pensée dinspiration deleuzienne, un certain clivage entre,
dune part, une filiation spinoziste, qui va puiser dans lÉthique et le Traité politique
sa conception dun mouvement réel des sociétés humaines articulé en
termes de puissance de la multitude, dauto-organisation constituante,
de nécessitarisme anti-humaniste, de stratégie du conatus et déconomie des affects, et, dautre part, une filiation leibnizienne,
qui raisonne en termes de puissance de la différence, de sensibilité
monadique, de bifurcations infinitésimales, de pluralisme, de monde
possible et de virtuel. Dun côté, une lignée qui va de Spinoza au
Deleuze du Problème de lexpression, en passant par Marx et Toni Negri ; de lautre, une lignée qui va de Leibniz au Deleuze du Pli,
en passant par Tarde et le pragmatisme américain. À Leibniz, la
première filiation reprochera son providentialisme, son dualisme, ainsi
que ses professions de foi trop conciliantes avec les doctrines
chrétiennes du libre arbitre et de lâme ; à Spinoza, la seconde
filiation reprochera détouffer le pluralisme sous le monisme de la
substance unique, décraser le possible et le virtuel sous le poids de
la nécessité et de la perfection du réel, daplatir lévénement sous le
fer à repasser dune causalité intégralement intelligible. Ces deux
traditions sont-elles parallèles, rivales, incompatibles ou
complémentaires et articulables entre elles ? Deux parutions récentes,
qui feront certainement date dans lhistoire de lexégèse spinozienne,
permettent de lancer des ponts relevant en dernière analyse de la
« noo-politique » entre la philosophie de la cause immanente et celle
de linvention du possible.
une théorie de la trace
Spinoza et le signe. La genèse de limagination
de Lorenzo Vinciguerra propose certes une reconstruction méticuleuse de
la théorie spinozienne du signe, saisie dans un cadrage inspiré de
Pierce( [2]).
Comme le sous-titre lindique, ce livre participe toutefois dun projet
plus large, qui consiste à rendre compte de lensemble de lactivité
imaginative, telle que la conceptualise Spinoza. De façon encore plus
ambitieuse, lauteur propose en fait une refondation complète de
lontologie spinoziste sur des bases aussi inattendues quéclairantes,
puisquelles reposent sur les propriétés du « mou » et sur la notion de
trace. Je caractériserai cette redescription de lontologie spinoziste à travers six étapes principales :
a) De la sensation à laffection.
Après une première partie consacrée à une étude de la notion de
sensation et de la façon dont Spinoza sen sert pour écarter le spectre
du scepticisme et redéfinir les notions détonnement et dadmiration
(pp. 25-89), et après avoir posé que la sensation relève de la
connexion et que « percevoir, cest toujours affirmer une relation »
(54), Lorenzo Vinciguerra développe la dimension la plus originale de
son travail dans une deuxième partie intitulée « Le corps et sa trace »
(pp. 91-162). Il commence par mesurer les enjeux du déplacement
quopère Spinoza de la notion de sensatio à celle daffectio, et montre en quoi, puisque « tout ce qui peut arriver [contingere]
à un corps ce sont des affections » et « puisque le corps, en tant que
mode, est lui-même une affection de Dieu », alors « laffection du
corps est toujours laffection dune affection » (96) « le corps
étant moins le support que le rapport immanent de ses affections » et laffection étant « toujours essentiellement un rapport de rapports »
(105). Dans le cadre ainsi posé, « laffection définit à la fois ce qui
modifie la constitution dune chose et ce qui la constitue comme
essence » (107). Par ailleurs, « puisque je suis une idée de corps, ce
qui est connu de mon existence est le résultat dune affection de
celui-ci, qui a toujours sa prémisse dans une autre chose quelle-même
et non dans lego artificiellement réduit à lillusion dun isolement transcendantal » (118).
b) Une physique générale du mou et de la trace. Lauteur propose alors de caractériser la mécanique de ces processus daffection à partir dune tripartition entre le mou, le dur et le fluide : « est mou tout ce qui est apte ou se prête à être revêtu [induere] de traces [vestigia] » ;
« le mou est ce lieu moyen, entre le dur et le fluide, au sein duquel
un corps est modifié par des autres, qui y laissent leurs traces » ;
« on pourra comprendre le dur comme ce qui résiste le plus à la
traçabilité, et donc aussi ce qui retient plus durablement les traces ;
et le fluide comme ce qui, nopposant pratiquement pas de résistance,
ne retient quasiment pas les traces des corps extérieurs ». Avec pour
résultat que « tout corps, dans la mesure où il est susceptible dêtre
un lieu de traces, cest-à-dire de porter les marques dautres corps,
peut être considéré comme étant plus ou moins mou » (129).
c) Une redescription de la notion de « corps ».
Cest la productivité théorique doutils aussi simples et intuitifs qui
fait un des charmes principaux du livre de Lorenzo Vinciguerra. Cette
physique de la trace permet en effet de saisir que « la constitution
dun corps, en tant quaffection, nest jamais que le résultat de ce
que toutes les traces (innées et acquises) ont fait de lui » (131).
Dune part, cette définition du corps comme champ de traçabilité recouvre
de très près et illustre de façon très heureuse à des fins
didactiques la notion de « mode » que Spinoza met au cur de son
système : « rien ne convient donc mieux à son essence [de la trace] que
la définition du mode comme ce qui est toujours en autre chose par laquelle aussi il se comprend. Toute trace est un
de quelque chose qui a eu lieu, qui nest plus là, et au lieu de quoi
il y a son empreinte » (132). Dautre part, en prenant les traces (vestigia) pour « les modifications les plus simples » (165) correspondant aux insaisissabes corpora simplicissima
de la physique de lâge classique , on aboutit à une conception du
corps particulièrement apte à dépasser les illusions de
lindividualisme naïf, en ce que lidentité nest plus caractérisée à
partir de létendue, mais de la capacité à tracer/être tracé (à
affecter/être affecté) : « lextérieur et lintérieur ne sont donc pas
donnés a priori dans létendue, mais ils se constituent eux-mêmes comme
le résultat dune relation causale et sémiotique. Le corps ne doit pas
être imaginé comme une portion détendue quil découperait par sa
figure selon un dehors et un dedans, mais comme une certaine manière
dêtre affecté et daffecter, cest-à-dire comme une certaine manière
dêtre tracé, et une certaine manière de tracer létendue et de
produire des signes » (223).
d) Une sémio-physique de la trace, de la figure et de la forme.
Avec des raffinements quon laisse au lecteur le plaisir daller
chercher dans le livre lui-même, largumentation propose sur ces bases
une caractérisation des corps à trois niveaux superposés, selon
lesquels les traces sagencent en figures, dont les variations se stabilisent autour de formes individuantes :
« la figure dun corps est donnée par une certaine position ou
situation de ses parties » tandis que « la forme consiste dans lunion,
selon une certaine loi, qui fait que des corps composent tous ensemble
un seul et même corps ou individu » (139), avec pour conséquence que
« la forme dun corps nest autre que la totalité des figures quil lui
est donné de revêtir [...] elle est cette puissance qui permet de
passer dune figure à lautre, tout en se conservant » (140). « La
richesse des figures auxquelles un corps peut se prêter traduit ainsi
sa puissance, cest-à-dire son aptitude à être modifié et à modifier
son entourage. Alors que la forme exprime la loi interne du corps, la
figure traduit la forme dans son rapport à lextériorité » (142). De la
sorte, « une nouvelle articulation fondée sur la relation forma-figurae-vestigia vient corriger et remplacer la conception abstraite du corps selon superficies-lineae-puncta » (144).
e) Une herméneutique de limage et du signe.
La troisième partie de louvrage, intitulée « Des images et des
signes » (165-234), fait travailler ce vocabulaire de base pour
développer la dimension représentative dont
peuvent être investies traces, figures et formes. Reformulant le vieil
adage sensualiste, lauteur souligne que « rien nest dans limage qui
nait été dans la trace » (169) et caractérise les images en
ce quelles « signalent la présence, réelle ou fictive, dun objet
extérieur » (170). En sappuyant sur lapproche pragmatiste, il
articule la fonction représentative à travers une structure ternaire
qui ajoute au représentant et au représenté le troisième terme quest linterprétant, défini comme « celui ou ce relativement à quoi quelque chose [res]
est représenté et signifié par des images ou des signes », ou de façon
plus précise comme « la catégorie sémiologique incarnée par un individu
quelconque, quexprime la puissance denchaînement propre au corps et à
lesprit de cet individu » (202). Défini comme « un durcissement de
limage », « plus dur, et donc aussi plus stable » quelle, le signe « incarne
une loi, une habitude » (217), qui cristallise les traces singulières
sous la pression homogénéisante de normes collectives au fil des
frayages projetés par lactivité imaginaire : « autant la trace est ce
creux logé au fond du corps, autant le signe est ce relief que limage
gagne par le travail de limagination. Elle relève les traces de leur
nature purement passive, rehausse et articule un autre plan de
différences, sur lequel les images viennent se replacer » (217).
f) Une caractérisation de la signification comme relevant de lenchaînement.
La dernière partie de louvrage, « De lusage des signes » (237-298),
analyse ce que Spinoza écrit des prophéties et de la révélation à la
lumière de la sémiophysique posée au cours des chapitres précédents( [3]). La signification y apparaît comme à localiser non dans la trace elle-même, mais dans les enchaînements dans
lesquels elle sinscrit : « il ny a pas de traces qui constitueraient
des unités de sens préétablies avant leur enchaînement, car celles-ci
dépendent du processus par et dans lequel elles sont comprises : la
chaîne doit être considérée comme première [prior]
par rapport à ses maillons » (199). Cela se vérifie à léchelle de
limage : « la signification seffectue moins par une image seule, que
par le lien qui fait passer des unes aux autres. [...] Si donc la
signification relève de la mémoire, cest que la signification de
limage dépend étroitement de lenchaînement qui en oriente le sens »
(193). Cela sapplique également sur léchelle la plus large, celle de
la vie dun corps : « ce qui définit la forme dun corps, cest la
pratique des enchaînements de ses figures, que sa puissance lui permet
de revêtir » (157), cette pratique des enchaînements, ces savoir-faire,
constituant lingenium propre à chaque corps, sa complexion (162).
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