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Plumes1 dans
Contes célèbres le
6 Septembre 2007 à 21:25
LES TROIS PLUMES
l était une fois un roi qui avait trois fils : deux qui étaient
intelligents et avisés, tandis que le troisième ne parlait guère et
était sot, si bien quon lappelait le Bêta. Lorsque le roi devint
vieux et quil sentit ses forces décliner, il se mit à songer à sa fin
prochaine et ne sut pas auquel de ses fils il devait laisser le royaume
en héritage. Alors il leur dit :- Partez, et celui qui me rapportera le tapis le plus beau sera roi après ma mort.Afin quil ny ait pas de dispute entre eux, il les conduisit devant son château et souffla trois plumes en lair en disant :- Là où elles voleront, telle sera votre direction.Lune
des plumes senvola vers louest, lautre vers lest, quant à la
troisième elle voltigea tout droit à faible distance, puis retomba
bientôt par terre. Alors, lun des frères partit à droite, lautre à
gauche, tout en se moquant du Bêta qui dut rester près de la troisième
plume qui était tombée tout près de lui.
Le Bêta sassit par
terre et il était bien triste. Cest alors quil remarqua tout à coup
quune trappe se trouvait à côté de la plume. Il leva la trappe et
aperçut un escalier quil se mit à descendre. Il arriva devant une
porte, frappe et entendit crier à lintérieur :" Petite demoiselle verte,Cuisse tendue,Et patte de lièvre,Bondis et rebondis,Va vite voir qui est dehors ; "
La
porte souvrit et il vit une grosse grenouille grasse assise là,
entourée dune foule de petites grenouilles. La grosse grenouille lui
demanda quel était son désir.- Jaimerais avoir le plus beau et le plus ouvragé des tapis, répondit-il.Alors elle appela une jeune grenouille à qui elle dit :" Petite demoiselle verte,Cuisse tendue,Et patte de lièvre,Bondis et rebondis,Va vite voir qui est dehors ; "
La
jeune grenouille alla chercher la boîte et la grosse grenouille
louvrit, y prit un tapis quelle donna au Bêta, et ce tapis était si
beau, si ouvragé quon nen pouvait tisser de pareil sur la terre,
là-haut. Alors il remercia la grenouille et remonta lescalier.
Cependant
les deux autres frères estimaient leur cadet tellement st quils
crurent quil ne trouverait absolument rien à rapporter. " Pourquoi
nous fatiguer à Chercher ? ", se dirent-il et la première bergère quil
rencontrèrent fit laffaire : ils lui ôtèrent son châle de toile
grossière et revinrent le porter au roi. Au même moment le Bêta rentra
lui aussi, apportant son tapis magnifique. En le voyant, le roi fut
étonné et dit :- Sil faut sen remettre à la justice, le royaume appartient au cadet.
Mais
les deux autres ne laissèrent point de repos à leur père, lui disant
quil était impossible que le Bêta, à qui la raison faisait défaut dans
tous les domaines, devînt le roi ; ils le prièrent donc de bien vouloir
fixer une autres condition. Alors le roi déclara :- Celui qui me rapportera la plus belle bague héritera du royaume.
Il
sortit avec ses trois fils et souffla les trois plumes qui devaient
leur indiquer la route à suivre. Comme la première fois, les deux aînés
partirent lun vers lest et lautre vers louest, mais la plume du
Bêta senvola tout droit et tomba à côté de la trappe. Alors, il
descendit de nouveau voir la grosse grenouille et lui dit quil avait
besoin dune très belle bague. La grenouille se fit aussitôt apporter
la grande boîte, y prit une bague quelle donna au Bêta, et cette
bague, toute étincelante de pierres précieuses, était si belle que nul
orfèvre sur la terre nen aurait pu faire de pareille.
Les eux
aînés, se moquant du Bêta qui allait sas doute chercher un anneau dor,
ne e donnèrent aucune peine, ils dévissèrent les crochets dune vieille
roue de charrette et chacun apporta le sien au roi. Aussi, lorsque le
Bêta montra sa bague dor, le père déclara de nouveau :- Cest à lui que revient le royaume .
Les
deux aînés ne cessèrent de harceler leur père pour quil posât encore
une troisième condition : celui-ci décida donc que celui qui ramènerait
la plus belle femme aurait le royaume. Il souffla une fois encore sur
les trois plumes qui senvolèrent comme les fois précédentes.
Alors, sans plus se soucier, le Bêta alla trouver la grosse grenouille et lui dit :- Il me faut ramener au château la plus belle femme.-
Hé, la plus belle femme ! répondit la grenouille. Voilà une chose quon
na pas immédiatement à sa portée mais tu lauras tout de même.Elle lui donna une carotte évidée et creuse à laquelle six petites souris étaient attelées.- Que dois-je faire de cela ? dit le Bêta tout triste.- Tu nas quà y installer une de mes petites grenouilles, répondit-elle.Il
en attrapa une au hasard dans le cercle de celles qui entouraient la
grosse grenouille, la mit dans la carotte, et voilà quà peine assise à
lintérieur, la petite grenouille devint une demoiselle
merveilleusement belle, la carotte un vrai carrosse et les six petites
souris des chevaux. Alors le Bêta embrasse la jeune fille, se fit
emporter au galop de ses six chevaux et amena le belle chez le roi. Ses
frères arrivèrent ensuite : ils ne sétaient donné aucune peine pour
chercher une belle femme et ramenèrent les deux premières paysannes
venues. Lorsquil les vit le roi déclara :- Cest au cadet que le royaume appartiendra après ma mort.
Alors
les deux aînés se mirent de nouveau à rebattre les oreilles du roi de
la même protestation : " Nous ne pouvons pas admettre que le Bêta
devienne roi ", et ils demandèrent à ce que ce privilège revienne à
celui dont la femme arriverait à sauter à travers un anneau qui était
suspendu au milieu de la grande salle. " Nos paysannes en seront bien
capables, se dirent-ils, elles sont assez fortes, par contre la
délicate demoiselle va se tuer en sautant. "Le vieux roi céda
encore une fois à leur prière. Les deux paysannes prirent leur élan et
certes elles sautèrent à travers lanneau, mais elles étaient si
lourdes quen retombant elles se brisèrent bras et jambes. Ce fut alors
le tour de la belle demoiselle que le Bêta avait ramenée, et elle
traversa lanneau dun bond aussi légèrement quune biche : cela fit
définitivement cesser toute opposition. Cest ainsi que le Bêta reçut
la couronne et que longtemps il régna en sage.
Les contes de Grimm
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Contes célèbres le
6 Septembre 2007 à 21:17
ALADIN
1.
Dans la capitale
dun pays de lOrient, il y avait un tailleur nommé
Mustafa qui était fort pauvre. Son travail lui fournissait à
peine de quoi faire vivre sa famille, composée de lui, de sa
femme et de son fils unique.
Le fils, nommé Aladdin, avait bon cur et ne manquait pas
dintelligence, mais il aimait un peu trop à jouer avec
les enfants de son âge, et il séchappait quelquefois
du logis paternel pour faire de longues parties avec les petits camarades.
On été à peu près sûr de le trouver
sur la grande place peu éloignée de la maison de ses parents.
Aussi était-il bien connu de tout le voisinage.
Dès quil fut en âge dapprendre un métier,
son père entreprit de lui enseigner le sien. Aladdin ne semblait
pas avoir un bien vif plaisir à manier laiguille ; mais
il sy résignait par nécessité, lorsque Mustafa
tomba gravement malade et mourut.
La pauvre veuve dut fermer la boutique de son mari et subsister, elle
et son fils, avec le peu quelle pouvait gagner en filant du coton.
Nayant pas de quoi payer lapprentissage dAladdin,
elle le confia au premier tailleur qui voulu bien se charger de lui.
Cet homme nenseignait pas grandchose au jeune garçon,
et Aladdin, bien quil eût déjà quinze ans,
en profitait souvent pour jouer sur la place publique avec les gamins
du quartier. Sa mère ne manquait pas den être informée
par les uns et par les autres, et elle en ressentait un vif chagrin.
Lorsquelle lui reprochait sa légèreté, il
se sentait ému et promettait dêtre plus raisonnable
; mais il ne tardait pas à retomber dans la même faute.
Un jour quil
samusait ainsi, au lieu de rentrer chez le tailleur, un étranger,
passant sur cette place, sarrêta à le regarder. Cétait
un puissant magicien, qui venait dAfrique.
Ayant examiné Aladdin, il le trouva bon pour accomplir certain
projet dont il était préoccupé. Ainsi, tout en
causant avec les boutiquiers de lendroit, se renseigna-t-il, sans
en avoir lair, sur la famille de cet adolescent. Cela fait, il
sapprocha de lui ; et, lemmenant à quelques pas de
ses camarades :
Mon enfant, lui dit-il, votre père nest-il pas Mustafa
le tailleur ?
Oui, Monsieur, répondit Aladdin ; mais voici déjà
un peu de temps quil est mort.
Aussitôt létranger se jeta au cou du jeune garçon
et lembrassa à plusieurs reprises, tout en donnant des
marques du plus profond chagrin. Aladdin, le voyant sessuyer les
yeux, lui demanda ce qui le faisait pleurer.
Ah ! mon fils, sécria lenchanteur, comment
pourrais-je men empêcher ? Je suis votre oncle : votre père
était mon frère. Il y a bien longtemps que je suis en
voyage ; et, au moment où jarrive dAfrique avec lespérance
de le revoir, vous mapprenez quil est mort ! Cest
pour moi une cruelle douleur. Ce qui soulage un peu mon affliction,
cest que je reconnais ses traits sur votre visage. Je vois que
je ne me suis pas trompé en madressant à vous.
Il se fit ensuite indiquer par Aladdin où habitait sa mère
; et, lui donnant une poignée de menu monnaie :
Mon fils, allez trouver votre mère, présentez-lui
mes respects, et dites-lui que jirai la visiter demain, pour me
donner la consolation de voir le lieu où a vécu mon excellent
frère.
Bien content de ce quil avait reçu Aladdin courut chez
sa mère et lui raconta ce qui sétait passé.
Elle parut très surprise. Son mari navait jamais eu quun
frère, et ce frère était mort, lui avait-il dit,
depuis de longues années.
Est-ce lui, pensa-t-elle, que lon aura faussement tenu
pour mort ? Je crois bien me souvenir que le frère de mon mari
avait fait de longs voyages. Cest peut-être lui qui nous
sera revenu.
Cependant, elle resta défiante à légard de
létranger.
Celui-ci, le lendemain, rencontra de nouveau le jeune garçon.
Il lembrassa et lui mit dans la main deux pièces dor
pour sa mère, afin quelle achetât des provisions
de bouche. Il ajouta quil viendrait, au coucher du soleil, partager
leur souper.
La veuve apprêta de son mieux un repas très supérieur
à son frugal ordinaire. Comme le soir tombait, létranger
arriva, chargé de fruits et de gâteaux. Après sêtre
débarrassé de ses friandises, il salua la veuve ; puis,
ayant considéré toutes choses autour de lui avec les apparences
dune vive émotion il sécria :
Mon pauvre frère ! Que je suis malheureux de nêtre
pas arrivé à temps pour tembrasser encore une fois
avant ta mort !
Après avoir donné un libre cours à sa douleur feinte,
il sassit pour souper et engager la conversation. Il parla des
grandes entreprises qui lavaient tenu si longtemps au loin, en
Afrique, et dans lesquelles il sétait enrichi ; puis il
raconta son voyage de retour et toutes les fatigues quil avait
enduré pour revenir, disait-il, dans son pays et vivre auprès
de son frère. Ensuite, il interrogea Aladdin sur sa situation,
avec toutes les marques du plus affectueux intérêt. Voyant
que ce jeune garçon avait peu de goût pour létat
de son père et nétait dailleurs pas en chemin
de devenir un habile ouvrier, il lui proposa de louer pour lui une boutique
et de lui acheter de belles étoffes, faciles à vendre
avec un gros bénéfice. Aladdin, dont lesprit était
fort avisé et qui parlait facilement, pensa quil réussirait
dans le commerce ; aussi accueillit-il avec joie la proposition de son
oncle supposé. Il len remercia très vivement.
Le souper fini, lenchanteur se retira en promettant sa visite
pour le lendemain.
Il tint parole de bonne heure, emmena Aladdin avec lui et le fit habiller
richement, de la tête aux pieds, comme il convient, disait-il,
à celui qui bientôt recevra dans sa boutique les plus grands
personnages.
Lorsquil ramena ladolescent chez sa mère, lexcellente
femme, en le voyant ainsi vêtu, sentit se dissiper toutes ses
défiances, et, transportée de joie, elle donna mille bénédictions
au généreux parent qui témoignait tant daffection
à son fils.
Le magicien déclara que, le lendemain, il louerait la boutique
promise et achèterait les étoffes quAladdin commencerait
à vendre. Il ajouta que pendant quelque il aiderait de sa présence
et de ses conseils ladolescent inexpérimenté.
Demain il ny aura rien à faire, continua-t-il, puisque
cest jour de fête : jen profiterai, mon cher neveu,
pour te montrer les beaux jardins qui entourent la ville.
Le lendemain matin,
en effet, le magicien franchit les portes de la cité avec le
jeune garçon et le conduisit à travers les jardins, ouverts
au public, qui entouraient les maisons de plaisance des plus riches
personnages. Aladdin regardait, émerveillé, des choses
toutes nouvelles pour lui, qui nétait jamais sorti de la
ville. On fit une pause dans lun des jardins, et loncle
tira de sa large ceinture assez de gâteaux et de fruits pour faire
une copieuse collation. Ensuite, on se remit en marche.
Tout en lamusant par des histoires, le rusé magicien entraîna
ladolescent assez loin au-delà des jardins et lui fit traverser
les champs qui les menèrent enfin dans une étroite vallée,
entre deux âpres collines. Aladdin, surpris, voulut alors retourner
vers la ville, alléguant que, si lon allait plus loin,
il serait trop las pour refaire le chemin parcouru. Mais le secret dessein
de lenchanteur devait être exécuté à
lendroit même où lon était parvenu.
Nous nirons pas plus loin, dit-il. Je veux te faire voir
ici des choses merveilleuses, et tu me remercieras toute ta vie de me
les avoir montrées.
Là-dessus, il ramassa des broussailles bien sèches et
u mis le feu, quil alluma en battant le briquet. Puis il jeta
dans les flammes une poudre odorante. Une épaisse fumée
séleva, et il la chassa à droite et à gauche,
en prononçant des paroles magiques. La terre trembla et souvrit,
découvrant une grande pierre carrée, avec un anneau de
bronze au milieu, pour la soulever.
Aladdin, effrayé, voulu prendre la fuite ; mais lenchanteur
le retint et lui donna un soufflet assez vigoureux pour le jeter par
terre.
Mon oncle, dit Aladdin en pleurant, quai-je donc fait pour
que vous me traitiez si rudement ?
Jai mes raisons pour cela, répondit le magicien.
Je suis ton oncle, je remplace ton père, et tu nas rien
à répliquer.
Lenchanteur avait cédé à un mouvement de
colère ; mais il nétait pas fâché de
montrer au jeune garçon quil voulait être obéi
aveuglément. Cependant il se radoucit, ajoutant quAladdin
naurait pas à se repentir de sa soumission.
Cette pierre, dit-il, recouvre lentrée dune
salle pleine de trésors qui nous sont destinés, à
toi et à moi, et qui nous rendrons plus riches que les plus grands
rois du monde. Il ne mest pas permis de la soulever et de rentrer
dans le souterrain. Toi, tu le peux ; mais, pour cela, il faut que tu
accomplisses de point en point tout ce que je te dirais.
Le magicien savait en effet quil ne pouvait soulever lui-même
la pierre, parce que cette opération exigeait une personne ignorante
de la magie, et il avait jugé bon de recourir pour cela, non
pas à un homme fait, mais à un jeune garçon, quil
naurait aucune peine à faire périr ensuite en lenfermant
dans le caveau. De cette façon, il naurait rien à
partager et garderait pour lui seul son secret. Il était donc
fort loin de songer à enrichir son prétendu neveu, au
moment où il le rassurait par de belles paroles.
Eh bien, mon oncle, dit Aladdin, commandez : je suis prêt
à obéir.
Le magicien ordonna au jeune garçon de prendre lanneau
et de lever la pierre, ce quAladdin fit aisément, à
sa grande surprise, car elle devait être dun poids énorme.
Dès que la pierre fut ôtée, on aperçut un
caveau, avec des degrés qui senfonçaient dans lombre.
Mon fils, dit alors lenchanteur, descends dans ce caveau.
Au bas des degrés que tu vois, tu trouveras une porte ouverte
qui te conduira dans un souterrain partagé en trois salles successives.
Dans chacune, tu verras, à droite et à gauche, quatre
grands vases de bronze, pleins dor et dargent ; mais abstiens-toi
dy toucher. Traverse les trois salles sans tarrêter.
Surtout, garde-toi bien dapprocher des murs : si tu les effleurais
même avec tes vêtements, tu tomberais mort. Au bout de la
troisième salle, il y a une porte qui te donnera accès
dans un jardin planté de beaux arbres, tout chargés de
fruits : sans tarrêter, traverse le jardin par une allée
qui te mènera tout droit à un escalier de cinquante marches,
pour monter sur une terrasse. Quand tu seras sur la terrasse, tu verras
une niche, où se trouve une lampe allumée. Prends la lampe,
éteins-la, et, quand tu en auras jeté le lumignon et le
liquide, mets-la dans ta veste. Si les fruits du jardin te font envie,
tu peux, au retour, en cueillir autant que tu voudras.
En achevant ses paroles, le magicien prit un anneau quil avait
au doigt et le remit à lun des doigts dAladdin, en
lui disant que cétait un préservatif contre les
dangers du souterrain, pourvu quil observât bien toutes
ses recommandations.
Va, mon enfant, lui dit-il, descends hardiment : nous allons
être riches lun et lautre pour toute notre vie.
Aladdin sauta légèrement dans le caveau et fit tout ce
qui venait de lui être prescrit, en observant les précautions
nécessaires. Comme il sen revenait, ayant la lampe sous
son vêtement, il sarrêta dans le jardin pour en considérer
les fruits, quil navait vu quen passant. Cétaient
des fruits extraordinaires. Chaque arbre en portait de couleurs différentes,
tous dune grosseur, dun éclat et dune forme
admirables. Il y en de blancs et scintillants, avec des feux de toutes
couleurs, qui étaient de diamants ; de bleus, qui étaient
des saphirs ; de rouges, de verts, de jaunes, de violets, qui étaient
des rubis, des émeraudes, des topazes, des améthystes.
Aladdin, nen soupçonnant point la valeur, eût préféré
des figues ou des pêches ; il prit ces fruits merveilleux pour
du verre coloré. Cependant, leur beauté lui donna envie
den cueillir de toutes les sortes. Il en emplit ses larges poches,
une grande bourse qui pendait à sa ceinture, cette ceinture elle-même
qui était très ample, et il en mit encore sur sa poitrine,
entre sa veste et sa chemise.
Chargé, sans le savoir, de tant de richesses, il traversa les
trois salles et se présenta à lentrée du
caveau, où le magicien lattendait avec impatience. Comme
le poids des pierres précieuses le gênait pour gravir les
dernières marches :
Mon oncle, dit-il, je vous prie de me donner la main pour maider
à monter.
Mon fils, répondit lenchanteur, donne-moi dabord
la lampe : elle pourrait te gêner.
Pardonnez-moi, mon oncle, elle ne me gêne pas ; je vous
la donnerais dès que je serai monté.
La vérité est quAladdin avait embarrassé
la lampe parmi les fruits précieux dont il avait rempli sa veste,
et quil lui eût été difficile de len
retirer sans faire tomber beaucoup de ces fruits. Comme le magicien
sobstinait à ne vouloir lui tendre la main que sil
donnait dabord la lampe, il sentêta lui-même
à ne la donner quune fois hors du caveau ; de sorte que
le magicien, au désespoir de la résistance quil
rencontrait, entra dans une fureur épouvantable. Craignant dailleurs
quun passant ne laperçût si la contestation
se prolongeait, il jeta un peu de son parfum sur le feu, quil
avait eu soin dentretenir ; et, dès quil eut prononcé
trois paroles magiques, la pierre destinée à fermer lentrée
du caveau se remit delle-même à sa place, avec de
la terre par dessus.
Lenchanteur avait donc échoué dans son entreprise
: car, sil avait fait un long voyage pour venir jusque dans cet
endroit, cest quil avait appris par ses livres et ses opérations
de magie que la possession de la lampe enfermée dans le caveau
le rendrait plus puissant que tous les rois de la terre. Mais lobstination
imprévue dAladdin, sa propre colère et la crainte
dêtre surpris lui avaient fait sacrifier le malheureux garçon
sans avoir reçu la lampe. Il perdait aussi le précieux
anneau quil avait passé au doigt dAladdin pour lui
permettre daccomplir son périlleux office ; mais il ny
songea pas sur le moment. Exaspéré de fureur, maudissant
son mauvais destin, il séloigna en évitant de passer
par la ville et repris le chemin de lAfrique, doù
il était venu.
Selon toutes les
apparences, on ne devait plus entendre parler du pauvre Aladdin ; mais
lanneau quil avait au doigt allait le sauver.
Quand il se vit enterré tout vivant, le jeune garçon,
épouvanté, appela bien des fois son oncle, en criant quil
était prêt à lui donner la lampe ; mais ses cris
ne pouvaient être entendus. Après avoir longtemps pleuré
et sangloté dans les ténèbres, il descendit jusquau
bas de lescalier du caveau, pour aller chercher la lumière
du jour dans le jardin où il avait passé ; mais la porte
qui donnait accès dans la première salle sétait
refermée par enchantement et ne se distinguait même plus
de la muraille. Le malheureux tâtonne devant lui, à droite
et à gauche : il ne trouve plus de porte. Après avoir
redoublé ses cris et ses pleurs, il sassoit enfin, désespéré,
sur les marches du caveau, avec la triste certitude dune mort
prochaine et affreuse.
Aladdin resta deux jours dans cet état, sans nourriture, sans
sommeil, sans soulagement. Le troisième jour, se croyant près
de mourir, il pensa tendrement à sa mère, qui ne le reverrait
plus, et à qui, par ses légèretés denfant,
il avait souvent fait de la peine. Alors, les yeux pleins de larmes,
il joignit les mains comme pour la prier de lui pardonner les fautes
quil avait commises.
En joignant ainsi les mains, il frotta, sans y penser, lanneau
que le magicien lui avait mis au doigt, et dont il était loin
de soupçonner la puissance. Aussitôt une faible lueur éclaira
le caveau, et Aladdin vit surgir de terre un Génie au visage
énorme et terrible, qui, lorsquil se fut dressé
de toute sa hauteur, touchait de la tête la voûte du souterrain.
Que me veux-tu ? dit-il. Me voici prêt à tobéir
dans la mesure de mon pouvoir, comme ton esclave et lesclave de
tous ceux qui ont au doigt cet anneau.
Aladdin avait frémi à laspect de lapparition
; mais, voyant une chance de salut, il répondit sans hésiter
:
Qui que tu sois, fais-moi sortir de ce lieu, si tu en as le pouvoir.
À peine eut-il prononcé ces paroles que la terre souvrit,
et il se trouva hors du caveau, juste à lendroit où
le magicien lavait amené. Après avoir passé
un temps si long dans les ténèbres, il eut grandpeine
à soutenir léclat du jour ; il finit cependant par
y accoutumer ses yeux. Rien ne laisser apercevoir que la terre se fût
ouverte ; seuls les restes dun feu de broussailles lui permit
de reconnaître à coup sûr le lieu où il se
trouvait.
Bien heureux davair échappé si merveilleusement
à la mort, mais se traînant avec difficulté, Aladdin
sen retourna vers la ville. Bien des fois il dut sarrêter,
prêt à défaillir, et prendre un long repos avant
de poursuivre sa route. Par bonheur, une claire fontaine lui permit
dassouvir sa soif dévorante. Il parvint enfin à
la porte de la ville et regagna sa maison au moment où le soir
tombait. En entrant chez sa mère, la joie de la revoir, jointe
à son extrême faiblesse, le fit évanouir. Lexcellente
femme, qui lavait déjà pleuré comme mort,
ou comme perdu à tout jamais, ne négligea rien pour le
faire revenir à lui ; puis elle lui donna un peu de nourriture,
et cest seulement lorsquil eut repris des forces quelle
écouta le récit de son extraordinaire aventure. Ce ne
fut pas, comme on le pense bien, sans frémir à tout moment
de leffroyable danger quil avait couru, et sans maudire
le misérable qui les avait si bien trompés par une feinte
affection. Mais, voyant que son fils avait le plus grand besoin de repos,
elle mit fin à leur entretien.
Dès le lendemain,
à la joie quils avaient de se trouver réunis, se
mêla pour la mère et pour le fils, la souffrance de leur
pauvreté.
Il ny avait plus de pain à la maison ; et, pour sen
procurer la veuve se disposait à aller vendre un peu de fil de
coton, lorsque Aladdin, songeant à la lampe quil avait
rapportée, proposa de la porter chez un revendeur, qui la lui
achèterait. Bien quil eût montré à
sa mère les fruits cueillis dans le jardin merveilleux, ni lun
ni lautre ne pensèrent à en tirer parti. Ne connaissant
rien aux pierres précieuses, la veuve, aussi bien que son fils,
prenait ces fruits pour des verroteries sans valeur. Elle lui demanda
donc la lampe et, la trouvant sale, voulut la nettoyer avec un peu deau
et de sable fin, dans lespérance de la vendre mieux. À
peine eut-elle commencé à frotter quun géant
hideux surgit devant elle et lui dit dune voix tonnante :
Que me veux-tu ? dit-il. Me voici prêt à tobéir
dans la mesure de mon pouvoir, comme ton esclave et lesclave de
tous ceux qui ont la lampe à la main.
La veuve, épouvantée, sévanouit ; mais Aladdin,
instruit par lexpérience, saisit promptement la lampe et
répondit avec fermeté :
Jai faim : apporte-moi de quoi manger.
Le génie disparu et, un instant après, revint chargé
dun bassin dargent, quil portait sur la tête,
avec douze plats de même métal, plein de mets excellents
; et six grands pains croustillants et dorés. Il avait à
la main deux bouteilles de vin et deux tasses dargent. Ayant posé
le tout sur le sofa, il disparut aussitôt.
Aladdin navait pas manqué de baigner le visage de sa mère
avec de leau froide, pour la faire revenir de son évanouissement.
Elle rouvrit les yeux, en effet, comme le géant venait de se
retirer pour la seconde fois ; et, bien que très effrayée
encore, elle se réjouit à la vue de tant de provisions
et de richesses. Aladdin acheva de dissiper ses craintes, et ils se
mirent à manger avec dautant plus dappétit
quils ne sétaient trouvés, de leur vie, devant
un tel festin.
La puissance merveilleuse de la lampe leur fit comprendre que le magicien
eût entrepris un long voyage dans lespérance de sen
emparer, et ils admirèrent le juste châtiment qui avait
privé ce méchant homme du talisman convoité.
Aladdin ne savait pas exactement quels services il pouvait recevoir
de la lampe ; mais elle avait exécuté dans la perfection
son premier commandement, et il était disposé à
croire quil lui serait redevable dautres bienfaits. Cependant,
en garçon avisé, il jugea quil ne fallait pas trop
se fier à sa bonne chance. Il résolut donc de tenir boutique
détoffes, comme son faux oncle lui en avait donné
lidée : la vente du bassin et des plats dargent lui
en fournir le moyen, pourvu quil se contentât de louer dabord
une modeste échoppe et dentreprendre un petit commerce,
qui pourrait sagrandir ensuite.
Dailleurs, il noubliait pas le chagrin quil avait
ressenti, dans le caveau, davoir souvent affligé sa mère
; il voulut lui donner la satisfaction de le voir gagner honorablement
sa vie lui épargner à elle-même les fatigue dun
travail excessif.
Aladdin tenait à garder secrète les origines de la fortune
quil espérait acquérir : il éviterait ainsi
dexciter lenvie et la défiance. Aussi pria-t-il sa
mère de ne raconter son aventure à personne et de ne point
parler du service quil devait à la lampe, ni de ceux quelle
pourrait lui rendre par la suite.
La mère et le fils vécurent quelques jours des provisions
apportées par le géant, tandis que la vente du bassin
et des plats permettait au fils de louer une petite boutique et de sy
établir avec quelques marchandises. Les premiers bénéfices
furent très faibles ; et, comme il y eut aussi des pertes dues
à linexpérience de ladolescent, il fallut
de nouveau faire apparaître le Génie. Cest ce quAladdin
obtint sans peine, en frottant sa lampe merveilleuse. Il commanda au
géant un nouveau repas, qui fut servi aussi richement que le
premier et qui subvint plusieurs jours à ses besoins, tandis
que la vente de la vaisselle profitait à son commerce.
Des mois, des années, sécoulèrent ainsi ;
Aladdin devint un jeune homme plein dexpériences et de
sagesse. Il était dailleurs vigoureux, beau et bien fait
de sa personne. Malgré la grande puissance dont il eût
pu disposer, et quil tenait en réserve, il vivait fort
simplement avec sa mère, augmentant peu à peu son commerce
et ne recourant que de temps à autre aux bons offices de la lampe,
sans lui demander autre chose que la répétition des présents
déjà reçus. Mais le jour nétait pas
éloigné où il aurait à lui demander davantage.
2.
Aladdin réussissait
dans son commerce ; malgré sa jeunesse, il était bien
reçu par les marchands les plus considérables de la ville.
Dans leurs boutiques ou dans leurs maisons il rencontrait toutes sortes
de personnes distinguées, dont il prenait la politesse, les manières
élégantes et il achevait ainsi son éducation.
Chez un joaillier de ses amis, il apprit à connaître les
pierres précieuses et leur valeur plus ou moins grande ; de sorte
quil ne fut pas longtemps à savoir que les fruits rapportaient
du jardin merveilleux étaient, non point du verre coloré,
mais dinestimables pierreries, auxquelles rien naurait pu
être comparé chez les plus riches marchands ni dans le
trésor des plus grands princes. Bien loin de sen vanter,
comme dautres leussent fait à sa place, il eut la
prudence de nen parler à personne.
Un jour dété
quil était allé à ses affaires, il sarrêta,
pour y trouver un peu dombre et de fraîcheur, aux abords
du palais où habitait le sultan, souverain du pays. Soudain,
il vit savancer la fille de ce monarque, accompagnée dune
suite nombreuse. Elle revenait de la promenade, et, suivant lusage
commun de toutes les femmes de la contrée, lorsquelle ne
sont pas dans leurs maisons, elle portait un voile épais qui
lui couvrait le visage entier, excepté les yeux. Aladdin était
à demi caché par un sycomore au large tronc. La princesse
ne laperçut point ; et, comme elle navait plus quune
dizaine de pas à faire pour entrer au palais, la jeune fille,
ayant très chaud, ôta son voile. Aladdin put ainsi admirer
sa resplendissante beauté, qui lui parut dépasser tout
ce que limagination peut concevoir : et il rentra chez lui extrêmement
préoccupé de cette rencontre.
Sa mère, le voyant triste et rêveur, lui demanda sil
était souffrant. Il la rassura, mais garda le silence pendant
toute la durée de leur souper. Comme elle linterrogeait
de nouveau, avec inquiétude, il dit la rencontre quil avait
faite ; et il ajouta que limage de la princesse ne seffacerait
plus de sa pensée.
Les sentiments quelle ma inspirés, dit-il
enfin, sont tels que jai pris la résolution de la demander
en mariage au sultan.
La veuve sécria quil avait sans doute perdu lesprit
; il affirma quil était dans son bon sens. Elle reprit
alors :
Par qui donc, mon fils, présenteras-tu au sultan cette
demande extraordinaire ?
Par vous, ma mère, sil vous plaît, répondit
Aladdin.
Elle en demeura toute saisie. Comment son fils, dont le père
avait été un pauvre tailleur, pouvait-il songer à
un pareil mariage ? Et, si elle avait laudace de présenter
sa demande au sultan, ne la ferait-il pas chasser comme une folle ?
Sans se laisser persuader par des observations si judicieuses en apparence,
Aladdin la supplia instamment de lui rendre ce service, et elle finit,
en bonne mère, par se résigner à faire ce quil
demandait. Il lassura quen agissant ainsi elle lui donnerait
la vie une seconde fois, et quil lui en aurait une reconnaissance
infinie.
Une chose, pourtant, la faisait encore hésiter. Chaque matin,
le sultan, entouré de ses ministres, donnait audience à
tous ceux de ses sujets qui voulaient lui parler, rendant justice aux
uns et aux autres, accordant ou refusant les grâces quon
sollicitait de sa bonté, mais ne repoussant jamais personne.
Seulement, lusage était quon ne se présentât
point devant lui sans un présent qui pût lui être
agréable.
Que pourrais-je, dit la veuve, offrir à notre souverain,
qui fût digne de son attention ? Et quelle proportion y aurait-il
entre les plus riches cadeaux et la demande incroyable que tu veux lui
faire ?
Le jeune homme appris alors à sa mère que les fruits aux
brillantes couleurs quil avait apportés du jardin merveilleux
nétait pas de simples verroteries, mais des pierres précieuses,
dune valeur sans égale. Comme elle avait de la peine à
le croire, il disposa dans un grand vase de porcelaine ces fruits splendides,
quelle navait vus encore quà la lueur dune
mauvaise lampe ; à la clarté du jour, ils rayonnèrent
de telle sorte que la mère et le fils, éblouis, charmés
par leur éclat et la variété de leurs couleurs,
les contemplèrent longtemps sans pouvoir en détacher leurs
yeux.
La veuve se sentit alors un peu moins effrayée par la mission
quelle avait acceptée ; et, pour lui donner du courage,
Aladdin lassura que, sil était nécessaire,
il aurait laide de la lampe dans sa difficile entreprise.
La bonne mère
fit tout ce que son fils voulut. Le lendemain matin, elle prit la porcelaine
où se trouvaient les pierreries, lenveloppa soigneusement
et pris le chemin du palais. Le sultan, son grand vizir et les autres
ministres étaient déjà dans la salle ouverte au
peuple lorsquelle y pénétra. Elle se mit bien en
face du sultan. Le souverain écoutait, assis sur un divan, ceux
qui étaient venus lui exposer leurs affaires. Il en passa devant
lui cinq ou six, qui, la veille, avaient pris leur tour en se faisant
inscrire ; les uns sen allèrent contents, les autres peu
satisfaits ; puis, le sultan se leva et sortit, suivi de ses ministres,
en remettant au lendemain les affaires quil navait pas jugées.
La veuve se retira, bien affligée de ne pouvoir rapporter à
son fils aucune réponse.
Il en fut de même les jours suivants, car elle ignorait quil
fallût se faire inscrire pour parler à son tour, et elle
nosait point sapprocher du sultan ni lui adresser la parole.
Cependant, elle se plaçait toujours bien en face de lui et ne
le quittait pas des yeux.
Le sixième jour, le sultan, qui lavait bien remarquée
les jours précédents, laperçut tout à
coup dans la foule. Touché par la patience et lhumilité
avec laquelle cette femme attendait, il la désigna à son
grand vizir.
Voilà, dit-il, celle que je veux entendre dabord.
Le grand vizir la montra au chef des huissiers, qui était debout,
prêt à recevoir ses ordres, et lui commanda de la faire
avancer.
Instruite par lexemple de ceux quelle avait vus aborder
le sultan, la veuve, sétant approchée, se prosterna
devant lui.
Bonne femme, dit le monarque, voilà plusieurs jours que
je vous vois ici. Quelle affaire vous amène ?
Elle lui répondit en tremblant quelle osait à peine
le lui dire, et quelle le suppliait de lui pardonner la hardiesse
de la demande quelle allait lui faire. Afin de la mettre à
laise, le sultan renvoya tout le monde, excepté son grand
vizir, et il dit à la veuve de parler librement.
Quelle que soit votre demande, ajouta-t-il, je vous la pardonne
dès à présent, et il ne vous en arrivera pas le
moindre mal.
Ainsi rassurée, la veuve osa dire au sultan que son fils, ayant
aperçu par hasard le visage de la princesse, en avait ressenti
la plus profonde admiration. Cette vue, ajouta-t-elle, lui avait même
inspiré de tels sentiments quil avait supplié sa
mère de demander la princesse en mariage au sultan, et que, si
elle navait pas cédé à sa prière,
il se serait livré à un acte de désespoir.
Le sultan écouta ce discours sans aucune marque de colère.
Bien que la demande lui parût des plus étranges, il neut
pas même un sourire de raillerie. Avant de donner une réponse
à la requête qui lui était présentée,
il demanda à la veuve ce quelle tenait, si bien enveloppé.
Alors elle découvrit le vase de porcelaine, plein de pierres
précieuses, et le présenta au souverain.
On ne peut exprimer létonnement de ce monarque, lorsquil
vit tant de pierreries si éclatantes, si pures, si parfaites,
et dune grosseur telle quil nen avait jamais vu de
pareilles. Il les admira longtemps, immobile en silence, tant sa surprise
était profonde.
Ah ! que cela est beau ! dit-il enfin. Que cela est riche et
merveilleux !
Après avoir admiré toutes les pierres, les avoir maniées,
louant chacune delles en fin connaisseur, il se tourna vers son
grand vizir ; et, sachant que ce personnage rêvait dunir
son propre fils à la princesse, il lui dit, en feignant de parler
avec le plus grand sérieux :
Que dis-tu de ce présent ? Nest-il pas digne de
la princesse ma fille, et ne puis-je la donner à celui qui me
la demande en moffrant de telles richesses ?
Le vizir, nosant point contredire son souverain, et obligé
de reconnaître la magnificence des pierreries, fut extrêmement
embarrassé. Enfin, se penchant à loreille du sultan,
il le supplia dattendre trois mois avant de prendre une décision
; dici là, il se faisait fort, disait-il, de présenter
à son maître un don plus précieux que celui dAladdin.
Le monarque doutait fort que son grand vizir pût lui offrir un
présent supérieur à ces incomparables pierreries,
mais il considérait comme peu convenable la demande qui lui était
adressée par un de ses sujets, tout à fait inconnu de
lui, et dont la mère était vêtue comme une femme
du peuple. La proposition de son vizir lui fut agréable, car
elle lui permettait de renvoyer la veuve sans un refus qui leût
chagrinée ; et le sultan ne voulu point désobliger une
personne qui lui offrait un présent si rare et si beau.
Allez, bonne femme, dit-il, et remerciez votre fils de la demande
quil ma faite ; mais je ne pourrais lagréer
comme époux de ma fille que dans trois mois, et si aucun prétendant
nest venu moffrir un présent plus riche.
La veuve sen retourna bien heureuse, cette fois, dapporter
à son fils des paroles despérance. Aladdin les accueillit
avec joie, en exprimant à sa mère la plus tendre gratitude.
Les trois mois sécoulèrent
bien lentement à son gré. Chaque jour, il craignait dapprendre
larrivée au palais de quelque prétendant, fils dun
grand personnage ou dun souverain, qui offrirait au sultan de
merveilleux trésors. Mais les jours passèrent sans quil
entendît parler de rien à ce sujet.
Quand les trois mois furent écoulés, sans perdre un jour,
il pria sa mère de retourner au palais ; ce quelle fit
aussitôt, pour calmer son impatience.
En la revoyant, le sultan fut embarrassé. Bien quil fût
le maître de la renvoyer sans explication, il lui déplaisait
de manquer à sa parole. Aussi demanda-t-il conseil au vizir ;
en lui faisant part de la répugnance quil aurait à
conclure le mariage de sa fille avec un inconnu, de très humble
origine sans doute. Le grand vizir, dont le fils navait découvert
aucun trésor comparable aux fruits précieux dAladdin,
ne manqua pas dinsister auprès de son maître sur
linconvenance de la demande qui lui était faite pour la
seconde fois.
Cependant, dit-il, puisque Votre Majesté veut bien donner
à cette bonne femme une raison qui la satisfasse, au lieu de
la renvoyer après une sévère remontrance, demandez-lui,
pour accorder la princesse à son fils, de telles richesses quil
lui soit certainement impossible de les posséder.
Le sultan approuva ce conseil ; et, après un moment de réflexion
:
Ma bonne femme, dit-il, les sultans doivent tenir parole : je
suis prêt à tenir la mienne et à rendre votre fils
heureux : mais, comme je ne puis marier ma fille sans lui assurer une
fortune digne de son rang, vous direz à votre fils que jaccomplirai
ma parole dès quil maura envoyé quarante grands
bassins dor massif, pleins de pierreries comme vous men
avez déjà présenté, et portés par
un même nombre desclaves noirs, qui seront conduits par
quarante esclaves blancs, tous jeunes, bien faits, de belle taille,
et habillées magnifiquement. Allez, bonne femme : jattendrai
que vous mapportiez sa réponse.
La veuve rentra
chez elle moins joyeuse que trois mois auparavant, et cest avec
la crainte de peiner vivement son fils quelle lui apporta les
paroles du sultan ; mais Aladdin, beaucoup plus confiant quelle
en vertu de son talisman, sentit, au contraire, son espoir redoubler.
Il ne perdit pas un moment pour frotter la lampe au même endroit
que dhabitude ; et, le Génie sétant présenté,
il lui ordonna dexécuter sans retard tout ce que le sultan
avait prescrit.
Quelques instants après, le Génie reparaissait avec quarante
esclaves noirs, dont chacun portait sur la tête un bassin dor
massif, plein dénormes fruits de diamant, de saphir, de
rubis, démeraude ; chaque bassin était couvert dune
toile dargent à fleurons dor et semée de perles.
Tous ces hommes étaient beaux, grands, robustes, et si magnifiquement
vêtus que peu de rois auraient pu lêtre ainsi. Ils
occupèrent toute la maison et une petite cour intérieure.
Sans laisser à sa mère le temps dexprimer son profond
étonnement dun tel prodige, Aladdin dun tel prodige,
Aladdin la pressa de retourner sur-le-champ au palais, afin de présenter
au sultan le don merveilleux exigé par lui ; puis il ouvrit la
porte de la maison et fit défiler tous les esclaves, à
intervalles bien égaux, en faisant toujours marcher un noir à
la suite dun blanc. Tandis que sa mère les conduisait,
il rentra chez lui, et, plein despérance, il attendit.
Sur tout le parcours du cortège les passants ne manquèrent
pas de sarrêter, et cest au milieu dun peuple
innombrable, saisi dadmiration, quil parvint au palais.
Lorsque le premier esclave parut à la porte de la première
cour, les portiers, le prenant pour un roi, savancèrent
pour baiser le bas de son vêtement ; mais lesclave, instruit
par le Génie, les arrêta et leur dit gravement :
Nous ne sommes que des esclaves ; notre maître paraîtra
quand il en sera temps.
Le sultan, averti, reçut les esclaves, dont la splendeur effaçait
léclat des plus grands seigneurs groupés autour
de lui. Les blancs et les noirs se prosternèrent tous ensemble,
en frappant du front contre le tapis ; puis ils se relevèrent,
et les noirs, en se redressant, découvrirent les bassins quils
avaient posés à terre.
En même temps, la mère dAladdin, qui sétait
prosternée aussi, disait au sultan :
Sire, mon fils nignore pas que tous les trésors
du monde sont bien peu de chose, comparés à la beauté
de la princesse votre fille ; mais il dépose à vos pieds
ce que vous avez daigné exiger de lui, en vous suppliant de le
faire agréer comme époux à la princesse.
Le sultan resta sans paroles, tant il était stupéfait
dadmiration. Enfin, dadressant à son grand vizir
:
Eh bien, dit-il à haute voix, que penses-tu de celui qui
menvoie un présent s extraordinaire ? Le crois-tu indigne
dépouser ma fille ?
Malgré tout le dépit quil put en ressentir, le premier
ministre fut obligé de reconnaître quun homme capable
daccomplir de telles merveilles pouvait bien devenir le gendre
du sultan, et tous les seigneurs de la cour applaudirent à ses
paroles.
Le sultan nhésita plus :
Bonne femme, dit-il à la veuve, allez dire à votre
fils que je lattends pour lembrasser, comme lépoux
que ma chère fille recevra de ma main.
Dès quil
eut appris lheureuse nouvelle, Aladdin, ivre de joie, eut de nouveau
recours au Génie de la lampe : ne lui fallait-il pas des vêtements
magnifiques, un cheval de pur sang, une riche et nombreuse escorte ?
Ne fallait-il pas que sa mère fut elle-même habillée
de neuf et accompagnée desclaves pour la servir ? Ce nest
pas quil désirât se faire passer pour un prince,
ne létant point par origine ; mais il voulait que la princesse
neût point à regretter de le recevoir pour époux.
Il demanda, en outre, dix mille pièces dor au Génie.
Lorsque tous ses ordres eurent été exécutés,
il se dirigea vers le palais avec sa suite : sa mère laccompagnait.
Par une secrète influence de la lampe, Aladdin qui navait
jamais monté à cheval, y parut avec tant de bonne grâce
que personne ne leût pris pour un cavalier novice.
Tout le peuple de la ville se pressait sur son passage, admirant la
modestie de son maintien autant que sa bonne mine et la richesse de
son attirail princier. Ceux qui lavaient connu lui savait gré
davoir vécu parmi eux avec une parfaite simplicité,
quant il aurait pu les éblouir de sa fortune et les traiter avec
dédain. À droite et à gauche du cortège,
des esclaves jetaient au menu peuple des pièces dor, qui
étaient accueillies par de nombreuses acclamations en lhonneur
du généreux donateur. Personne ne porta envie à
son bonheur et à sa gloire, tant il en parut digne.
Le sultan accueillit à bras ouverts celui qui allait être
son gendre et, sur-le-champ, le conduisit auprès de la princesse.
Elle fut charmée par la prestance, lair noble et doux de
son fiancé, et fort sensible à lémotion quil
éprouva en la voyant, comme aux respects pleins de tendresse
quil lui témoigna.
Le grand vizir, les ministres, les seigneurs de la cour, entouraient
leur souverain et le jeune couple. Tandis que le sultan sentretenait
avec Aladdin, ils admirèrent, dans les réponses du jeune
homme, la solidité de son jugement, la finesse de ses pensées
et lélégante facilité avec laquelle il les
exprimait.
Le sultan, ravi, voulait conclure le mariage sans aucun délai
; mais Aladdin le supplia de lui permettre délever une
demeure digne de celle qui allait être son épouse. Le sultan
voulut bien y consentir et lui accorda pour cela une partie de la place,
beaucoup trop vaste, qui sétendait devant son palais. Il
nattendit pas longtemps la construction de la demeure destinée
à sa fille : car, pendant la nuit, grâce aux bons offices
de la lampe, Aladdin fit surgir instantanément du sol un palais
si merveilleux, de proportions si admirables, de matériaux si
rares et si beaux, que rien de pareil nexistait sur toute la surface
de la terre.
Ce fut en séveillant, le lendemain matin, que le sultan,
sétant mis au balcon, aperçut, en face de son propre
palais, la splendide et gracieuse construction qui sétait
élevée pendant la nuit. Dabord il crut rêver
; puis, sétant frotté les paupières pour
sassurer quil ne dormait pas, il fit appeler son grand vizir
et lui montra son incroyable merveille. Le premier ministre ne pouvait
se défendre dune secrète rancune à légard
dAladdin ; aussi exprima-t-il lidée que le nouveau
palais, uvre de magie pouvait bien disparaître comme il
avait apparu. Le sultan lui répondit en souriant.
Je vois bien, vizir, que tu nas pas encore pardonné
à mon cher Aladdin de sêtre fait agréer à
la place de ton fils.
Le grand vizir se tut, et le sultan, fort joyeux, fit tout préparer
pour le mariage de sa fille, qui fut célébré avec
une pompe extraordinaire.
Aladdin ne fut pas seulement un heureux époux : ce fut un prince
accompli, qui mis les plus belles qualités au service de lÉtat.
Il rendit au sultan déminents services, comme dapaiser
par son esprit conciliant une sédition qui sétait
élevée dans une des provinces du royaume, et de mettre
fin très rapidement, par une seule victoire, à lagression
injustifiée dun monarque voisin.
Pas un pauvre ne se présentait à la porte de son palais
sans se retirer content de sa libéralité. Comme il allait
souvent à la chasse et quelquefois fort loin, il exerçait
la même générosité par les chemins et les
villages. Enfin, ses manières affables et accueillante pour tous
lui attirèrent, plus quau sultan lui-même, laffection
du peuple entier.
3.
Revenons maintenant
au magicien qui avait voulu faire dAladdin linstrument de
sa fortune.
De retour en Afrique, il songeait amèrement à limpossibilité
où il se trouvait de quérir la lampe et de ravoir son
anneau. Il goûtait, du moins, une joie méchante à
la pensée quAladdin était mort misérablement
dans le souterrain où il lavait laissé.
Plusieurs années sétaient écoulées,
lorsque lui vint tout à coup le désir de sassurer,
par une opération de magie, que le jeune garçon avait
péri en effet. Quelles ne furent pas sa surprise et sa rage en
découvrant quAladdin était sorti du souterrain et
vivait dans une grande splendeur, gendre du sultan et honoré
du titre de prince ! Aussitôt il résolut de se venger et,
sil le pouvait, de reconquérir la lampe.
Étant retourné, par un long et pénible voyage,
dans la capitale du sultan, il se fit indiquer la résidence du
jeune prince. Là, il apprit dun gardien de la porte quAladdin
était à la chasse pour plusieurs jours encore.
Le magicien ne doutait pas quAladdin eût obtenu sa haute
situation et construit son merveilleux palais grâce aux vertus
de la lampe. Il sagissait de savoir où elle se trouvait.
Une nouvelle opération magique lui apprit quelle était
dans le palais. Aladdin, par malheur, ly avait laissée,
craignant de la perdre ou den être gêné, sil
lemportait avec lui ; et il lavait cachée an fond
dun coffre à mettre du linge.
Sachant ce quil voulait savoir, le magicien acheta douze lampes
de cuivre bien brillantes, et il sen alla vers le palais en criant
:
Qui veut changer de vieilles lampes pour des neuves ?
En lentendant crier ainsi, les enfants qui jouaient sur la place
ou dans les rues voisines le prirent pour un fou et accoururent autour
de lui avec des huées. Les passants riaient de ce quils
croyaient être sa bêtise. Mais il nen continuait pas
moins à savancer vers le palais en répétant
le même cri, au milieu dune foule grossissante.
Tout ce bruit étant parvenu aux oreilles de la princesse, elle
envoya une esclave demander ce quil y avait. Cette femme revint
en riant et dit ce quelle avait vu et entendu.
À propos de vieille lampe, fit une autre esclave, je viens
den apercevoir une dans le coffre où le prince jette les
turbans quil a portés. Toutes les semaines il me les fait
prendre pour les donner aux pauvres. Aussi jai cru pouvoir ouvrir
le coffre en son absence et jai vu, tout au fond, une vieille
lampe. Si la princesse le veut bien, jirais porter cette lampe
à lhomme que lon entend crier, afin de voir sil
sera vraiment assez fou pour me donner une lampe neuve en échange.
Or, cétait bien de la lampe merveilleuse que parlait cette
femme. Aladdin navait point songé quon ouvrirait
le coffre en son absence, ni que personne saviserait dy
prendre un objet qui paraissait de si mince valeur. Aussi, ayant égaré
la clé de ce coffre, navait-il point hésité
à partir sans lavoir bien fermé. Il eut tort, sans
doute ; mais on ne pense pas à tout.
La princesse, ignorant les vertus de la lampe merveilleuse, dont Aladdin
ne lui avait point parlé, permit à lesclave de faire
ce quelle avait proposé ; et celle-ci revint, toute réjouie,
en apportant une lampe neuve, tandis que de grands éclats de
rire sélevaient sur la place.
Lenchanteur pensa bien que la vieille lampe de cuivre dont il
sétait rendu possesseur était celle-là même
quil convoitait se ardemment : il ne pouvait y en avoir dautre
dans le palais dAladdin, où tous les ustensiles étaient
dor et dargent, comme chacun le savait dans la capitale.
Le prétendu marchand de lampe séloigna bien vite
de la place, gagna une étroite ruelle et, par les voies les moins
fréquentées, sortit de la ville. Parvenu en pleine campagne,
il attendit le milieu de la nuit ; et, le moment venu, il frotta la
lampe. À cet appel, le Génie lui apparut.
Que me veux-tu ? demanda-t-il. Me voici prêt à tobéir
dans la mesure de mon pouvoir, comme ton esclave et lesclave de
tous ceux qui ont la lampe à la main.
Je te commande, dit le magicien, denlever à linstant
même le palais que tu as bâti, tel quil est, avec
tous les êtres vivants quil renferme, et de le transporter
avec moi sur la terre dAfrique, là où jai
ma demeure habituelle.
Sans dire un mot, le Génie, aidé par dautres esclaves
de la lampe, auxquels il commandait, transporta aussitôt le palais
avec tous ses habitants, et le magicien lui-même, à lendroit
qui lui avait été désigné.
Dès son réveil,
le sultan alla, comme à son ordinaire, prendre le frais sur son
balcon. Quelle ne fut pas sa stupeur en voyant la place vide, telle
quelle était avant le palais dAladdin sy élevât
! Il crut rêver et se frotta les yeux, comme il lavait fait
en apercevant le palais pour la première fois ; mais il ne dormait
point, le jour avait paru, et tous les objets autour de lui étaient
fort distincts.
Ne sachant que penser, il envoya en toute hâte chercher le grand
vizir. Celui-ci, aussi stupéfait que son maître par la
disparition du palais, ne manqua pas, cependant, de rappeler au sultan
quil lui avait parlé de cette extraordinaire construction
comme dune uvre magique, appelée à disparaître
aussi aisément quelle avait surgi.
Frémissant de colère et tremblant pour la vie de sa fille,
le sultan ordonna quon allât chercher Aladdin au milieu
de ses chasses et quon le lui amenât couvert de chaînes.
Ceux qui furent chargés dexécuter cet ordre sen
excusèrent auprès du jeune prince ; les amis et serviteurs
qui lentouraient voulurent le défendre par les armes ;
mais il sy opposa pour éviter toute effusion de sang, et
se laissa conduire au palais de son beau-père.
Cependant, le peuple, apprenant que la vie dAladdin était
en danger, sassembla sur la place pour défendre par tous
les moyens celui quil aimait.
Dune voix furieuse, le sultan criait à son gendre :
Où est ton palais, misérable ? Où est ma
fille ?
Atterré, Aladdin répondit quil navait aucune
part à la disparition de son palais, et quil ferait limpossible
pour retrouver celle quil chérissait par-dessus tout ;
mais le sultan, fou de rage, fit venir le bourreau et lui commanda de
trancher la tête dAladdin. Cet ordre barbare allait être
exécuté, lorsque le peuple, renversant les soldats massés
devant le palais, sélança jusque devant les fenêtres
du sultan. Le grand vizir montra à son maître cette foule
irritée, qui réclamait Aladdin à grands cris. Sans
doute elle ne tarderait pas à faire irruption dans le palais,
et peut-être, aveuglée de fureur, ne respecterait-elle
pas la vie du monarque lui-même. Le sultan, saisi dépouvante,
fit mettre Aladdin en liberté.
Alors le jeune prince, entouré par le peuple, se tourna vers
la fenêtre derrière laquelle son beau-père, tremblant,
regardait la foule, et il lui affirma par serment que si, dans quarante
jours, il navait pas retrouvé la princesse, il reviendrait
au palais pour que le sultan disposât de sa tête.
Après avoir
remercié le peuple, qui lavait sauvé et qui lui
gardait son affection dans le malheur, Aladdin quitta la ville, seul,
et marcha longtemps à laventure, se demandant avec angoisse
comment il pourrait retrouver sa femme bien-aimée et conjurer
le destin qui sappesantissait sur lui. La perte de la lampe, il
ne pouvait en douter, avait fait son malheur. Combien il se reprochait
de sen être dessaisi, ou de ne lavoir pas confiée
à sa chère épouse, en lui faisant connaître
les merveilleuses vertus de ce talisman !
Vers le soir, Aladdin sétendit sur le sol, à la
lisière dune forêt ; mais il ne put dormir. Pendant
toute la journée du lendemain, il erra, anxieux, sans prendre
aucune nourriture ni aucun repos. Tout à coup il se rappela le
terrible danger quil avait couru dans le souterrain où
il était allé chercher cette lampe, dont la perte le désespérait,
et comment il avait été alors sauvé par lanneau
du magicien. Ayant au doigt cet anneau, il le frotta sur-le-champ.
Le Génie quil avait vu dans e souterrain se dressa devant
lui.
Que me veux-tu ? dit-il. Me voici prêt à tobéir
dans la mesure de mon pouvoir, comme ton esclave et lesclave de
tous ceux qui ont au doigt cet anneau.
Génie, sécria le jeune homme, sauve-moi la
vie une seconde fois en reportant où il était le palais
que jai fait bâtir.
Ce que tu demandes, répondit le Génie, nest
pas en mon pouvoir. Adresse-toi à lesclave de la lampe
; moi, je ne suis que lesclave de lanneau.
Eh bien ! répondit Aladdin, de même que tu mas
transporté hors du souterrain, transporte-moi jusquau lieu
où est mon palais, en quelque endroit de la terre quil
soit, et dépose-moi sous les fenêtres de ma femme.
À peine eut-il parlé que le Génie le transporta
en Afrique, là où se dressait son palais au milieu dun
beau jardin, et le déposa sous les fenêtres de la princesse.
La nuit était venue, et Aladdin, épuisé de fatigue,
dormit jusquà laube, au pied dun arbre.
Éveillé,
dès les premières lueurs du jour, par le gazouillement
des oiseaux, il fut bien heureux de penser quil apercevrait bientôt
sa chère princesse. Tout en attendant quelle parût
à sa fenêtre, il se demanda, sans trouver aucune réponse,
qui avait pu lui ravir la lampe et faire son malheur.
Au levé du soleil, une esclave de la princesse, ayant regardé
à travers une jalousie, aperçut Aladdin couché
sur le gazon. Aussitôt prévenue, la princesse, tremblante
démotion, lenvoya chercher. Avec quelle joie ils
sembrassèrent, après une séparation si pleine
dangoisse !
En interrogeant la princesse, Aladdin acquit la certitude que la perte
de la lampe avait bien était la cause de son malheur. Il apprit
en outre quil se trouvait en Afrique, et il en conclut que le
prétendu marchand de lampes devait être ce même enchanteur
dont il connaissait la cruelle méchanceté. Comme la princesse,
ce misérable avait résolu de la prendre pour épouse
; il avait pénétré plusieurs fois chez elle pour
la décider à y consentir, lassurant quAladdin
avait eu la tête tranchée. Elle avait repoussé ses
offres en pleurant, et il sétait retiré plein de
colère. À sa dernière visite, il lavait même
menacée de lui infliger les traitements les plus barbares, si
elle continuait à lui opposer des refus quil jugeait offensants.
Aladdin jura à sa chère femme quil laurait
bientôt délivrée de leur ennemi, et lavertit
de ne point se troubler en le voyant revenir sous de pauvres vêtements.
Puis il se rendit à la ville voisine, dont on apercevait les
maisons, des fenêtres du palais.
En chemin il rencontra un paysan, avec qui il changea dhabits,
car il ne voulait pas attirer lattention par la richesse de ses
vêtements. Arrivé dans la ville, il se rendit chez un droguiste
et, moyennant une pièce dor, lui acheta une petite quantité
de certaine poudre dont il connaissait bien les effets.
De retour au palais, il dit à la princesse de quelle façon
elle devait agir. Elle aurait à dissimuler ses vrais sentiments
pour en manifester dautres, bien éloignés des siens
; ce serait une contrainte pénible, mais nécessaire à
leur salut. Lorsque le magicien reviendrait la visiter, elle lui permettrait
despérer quelle finirait par laccepter lui-même
comme époux. Pour mieux assurer lenchanteur de ses bonnes
dispositions, elle linviterait à faire la collation chez
elle ; et une esclave leur présenterait deux coupes dexcellent
vin, dans lesquelles on aurait versé la poudre rapportée
de la ville. Sa défiance ne serait point excitée, puisquil
pourrait choisir à son gré lune des deux coupes
; mais la princesse ne ferait quapprocher le vin de ses lèvres,
sans y toucher, tandis que le magicien boirait. Du reste, la poudre
ne devait pas donner la mort au buveur, mais le plonger immédiatement
dans un profond sommeil, même sil nen avalait que
deux ou trois gorgées.
Aladdin supposait avec raison que son ennemi aurait sur lui la précieuse
lampe : lenchanteur lavait une fois tirée de son
vêtement devant la princesse, pour se glorifier davoir conquis
ce talisman par la ruse. Le jeune prince, frémissant dimpatience,
espérait bien ressaisir ce quil lui avait été
ravi.
Toute chose étant
réglée, Aladdin se dissimula dans un petit cabinet attenant
à la pièce où sa femme devait recevoir le magicien.
Celui-ci ne tarda pas à venir, les sourcils froncés, car
il sattendait à une nouvelle résistance de la princesse,
à des larmes, à des sanglots. Grandes furent sa surprise
et sa joie en la trouvant fort radoucie, presque consolée, accueillant
son hôte avec une aimable courtoisie.
Après une conversation animée, dans laquelle le magicien
essaya de faire briller tout son esprit, la princesse lui offrit de
partager la collation quelle prenait dhabitude à
ce moment de la journée. Il accepta avec ravissement, loua fort
la beauté des fruits, la délicatesse des pâtisseries
quon lui offrait ; et, lorsquune esclave lui présenta
un plateau dor sur lequel brillait deux coupes de cristal, pleines
dun vin couleur de rubis, cest avec un transport de joie
quil porta la coupe à ses lèvres pour boire à
la santé de la princesse. En achevant de vider la coupe, comme
il avait la tête un peu en arrière, il resta un instant
dans cette position ; puis, tout à coup, il tomba à la
renverse, comme sil eût été mort.
Au bruit de sa chute, Aladdin se précipita dans la pièce.
Il fit sortir les esclaves ; puis, fouillant le magicien, il trouva
sur lui la précieuse lampe.
Désormais, dit-il en regardant le talisman, tu ne me quitteras
plus, et malheur à qui voudrait semparer de toi !
Ensuite, il frotta la lampe en présence de sa femme, à
laquelle il ne voulait plus rien cacher.
Le Génie apparut.
Je tai appelé, lui dit Aladdin, de la part de la
lampe, ta bonne maîtresse, pour que tu reportes ce palais où
tu las pris. Tu chemineras assez lentement pour quil ny
soit pas rendu avant lheure où tout sommeil dans la ville.
Le Génie se retira pour rassembler ses serviteurs. Pendant ce
temps Aladdin, voyant à ses pieds le corps de son ennemi, fut
tenté de lui enfoncer un poignard dans le cur.
Il la plus dune fois mérité, pensa-t-il
; mais le frapper dans son sommeil me répugne.
Alors ayant ouvert la fenêtre, il prit dans ses bras lhomme
endormi et le jeta hors du palais.
La princesse poussa un cri.
Peu nous importe, dit Aladdin, que ce misérable se soit
brisé ou non dans sa chute. Assieds-toi près de moi, ma
femme bien-aimée. Je puis tassurer que notre joie sera
entière demain matin.
À son réveil,
le sultan aperçut le magnifique palais dAladdin, rayonnant
dans la clarté de laurore. Il ne fut pas longtemps avant
de revoir sa chère fille, quil avait cru à jamais
perdue, et cest en pleurant de joie quelle se jeta dans
ses bras. Suivant la recommandation dAladdin, elle ne lui parla
point de la lampe ; mais, comme elle se reprochait de navoir pas
deviné quune vieille lampe conservée par son époux
devait avoir quelque vertu secrète, elle dit à son père
quune faute commise par elle avait été la cause
du terrible danger quelle avait couru.
Le sultan voulut bien accepter cette explication ; il était trop
heureux pour ne pas sen contenter. Il embrassa Aladdin avec tendresse,
lui rendit toute sa confiance et neut jamais à sen
repentir.
Cependant, tout le peuple, ému et joyeux, affluait déjà
autour du palais revenu de son mystérieux voyage ; il poussait
en lhonneur du prince et de la princesse des acclamations sans
fin ; et le sultan, rentré en grâce auprès de ses
sujets, fit proclamer une fête de dix jours au son des timbales,
des tambours et des trompettes.
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Par
Plumes1 dans
Chansons célèbres le
5 Septembre 2007 à 13:05
Chambre avec vue
Bristol Hôtel
J'ai disparu
Du monde pour elle
Et si
Je n'ai plus d'idole maintenant
Je n'ai plus qu'elle
Elle qui est si frivole
Dans mes rêves
Elle qui se lève
Dans ma longue vue
Etrange et belle
A demi nue
Elle se réveille
Et si
Je n'ai plus d'idole maintenant
Je n'ai plus qu'elle
Qui me viole ainsi
Dans mes rêves
Et qui m'enlève
Chambre avec vue
Dans cet hôtel
J'ai disparu
Du monde pour elle
Je quitte mon corps
Je suis en elle
Et quand je dors
Existe-elle ?
Quand je serai grand, je serai Bee Gees
Ou bien pilote de Formule 1
En attendant je me déguise
C'est vrai que tous les costumes me vont bien
Le rouge, le noir
Le blues, l'espoir,
Et moi, de toutes les couleurs j'aime en voir
{Refrain, x2}
C'est comme ça qu'est ce que j'y peux ?
C'est comme ça qu'est ce que j'y peux ?
(Faudrait savoir ce que tu veux)
(Faudrait savoir ce que tu veux)
Oui, quand je serai grand ce sera facile,
Enfin je saurai qui je suis
Oui mais en attendant je me défile,
C'est vrai je me dérobe et je m'enfuis
Je pleure,
Je ris,
J'ai peur,
Envie,
Je sais
De toutes les couleurs je vais en voir
A qui la faute ?
Je suis l'un et l'autre
Double je
A qui la faute ?
Je suis l'un et l'autre
{au Refrain, x2}
(Faudrait savoir ce que tu veux) {x4}
Quand je serai grand, qu'on se le dise,
J'serai vendeur dans les magasins,
En attendant je me déguise
En chanteur dans la salle de bain
{au Refrain, x2}
Quand je serai grand je serai dans le show biz...
De tous les salons
Les foires et les
Grandes expositions
Souvent imité
Souvent copié
Jamais égalé
Harrod's et Wal-Mart
Ont fait de moi
Un produit vraiment très smart
Vraiment très smart.
{Refrain}
Je suis le locataire
D'une gloire éphémère
Elu produit de l'année
Grâce à mon inventivité
Et quand viendra l'inventaire
Je serai le produit
De l'année dernière.
Radio Monoprix
Susurre mon prénom
Les samedis midis
Mes sourires offset
Font déborder
Votre boîte aux lettres
Cora et Shopi
Feront de ma vie
Un produit fini
Fini, tout est fini.
{au Refrain}
Elu produit de l'année
Elu produit de l'année
Au milieu de tous ces corps, je me sens si fragile
Ont-ils oublié que demain, ils devraient courir dans la ville ?
Et je cherche en vain un moyen de rendre mes pas utiles
J'aperçois l'ombre d'une fille, je baisse un peu les yeux,
D'un coup de main habile, remets en place mes cheveux
Quelque chose me dit, qu'elle me veut
Nos regards ne cessent de se croiser, encore et encore
Les enceintes sans se lasser, répètent toujours les mêmes accords
Pour danser, jusqu'à ce que le temps soit mort
Ne nous arrêtons pas
Ce qui se passe entre toi et moi
A un côté intemporel
Eternel
Est-ce la chance ou le destin, qui a réuni nos chemins ?
Peu importe car je sais qu'à deux heures du matin
Notre histoire et ma vie sont sans lendemain
Les BPM s'accélèrent et vont maintenant à toute allure
Ses yeux me foudroient comme l'éclair, ses lèvres ont un goût de futur
Et les enceintes continuent d' faire trembler les murs
Ne nous arrêtons pas
Ce qui se passe entre toi et moi
A un côté intemporel
Dehors les étoiles brillent dans le ciel
Je lui dis "Tu es si belle"
Et nos baisers sont éternels
Je veux te voler ton visage et que tu ne changes plus d'âge
Ne plus jamais être infidèle, avant que le jour ne m'appelle
Et que mon ange change d'elle
Oh serre-moi fort dans tes bras, invite-moi direct dans tes rêves
Laisse-moi venir sous tes draps, avant que le soleil ne se lève
Que le silence ne prenne la relève
Ne nous arrêtons pas
Ce qui se passe entre toi et moi
Pourrait être éternel
Mais tout finit par prendre fin
Cela n'arrange rien,
Non, rien à ma faim {x4}
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